Monaco-Matin

 h  : les enfants arrivent à Lenval

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Branle bas de combat devant la porte des urgences pédiatriqu­es de Lenval, à Nice. C’était calme, pourtant. Calme comme un début d’après-midi en pleine semaine. Et en quelques minutes, le chaos. L’exercice débute. La zone de tri se met en place. Des enfants, blessés, arrivent en masse. Hagards. Paniqués. En pleurs… Ce sont des étudiants infirmiers qui jouent le rôle de ces enfants traumatisé­s. Ils ont bien appris leur « texte ». Et savent à quel moment ils doivent répondre, ou pas. À quel moment ils doivent simuler une crise de panique ou une perte de connaissan­ce. Au contraire des soignants qui, eux, ne savent rien du scénario du drame. Difficulté supplément­aire : essayer de le comprendre quels types de pathologie­s ils vont devoir anticiper, tout en gérant les urgences… Les brancards se positionne­nt. Les premiers enfants blessés sont identifiés et soignés. Pour l’instant, des plaies, rien de plus grave. Pour l’instant. Mais, soudain, c’est une voiture qui déboule en klaxonnant. À son bord des gamins en sang. Médecins, infirmière­s gèrent avec calme cette crise majeure, mais « virtuelle ». Certains d’entre eux viennent d’autres hôpitaux. Certains autres sont de Lenval et ils ont vécu la terrible nuit du 14-Juillet. Ils étaient volontaire­s, bien sûr, pour participer à l’exercice. « Des garrots, s’il vous plaît, vite », lance une jeune pédiatre. C’est elle qui, sur le parvis, va devoir faire le premier «tri». Quelles sont les urgences absolues ? Quelles sont les urgences relatives? Cette phase de tri est cruciale. Et difficile. Lors du briefing post-exercice, ils avaient été nombreux à poser des questions. À s’inquiéter. Comment faire le bon choix? «Faites-vous confiance », avait lancé Marie Borel, anesthésis­te-réanimateu­r, à la Pitié-Salpêtrièr­e. Elle a vécu, elle, la soirée du Bataclan le 13 novembre 2015.

Rassurer, l’autre rôle des soignants

La deuxième vague de blessés arrive. Un « gosse » a la jambe en sang. «Urgence absolue », crie la jeune docteur tout en lui donnant les premiers soins (fictifs). Dans le même temps, les infirmière­s rassurent les bout’choux installés dans l’entrée, en urgence relative. Ils pleurent. Veulent leurs parents. Certains s’agitent. Il faut trouver les mots pour les calmer, alors que la cohue se fait générale dans le hall d’entrée. C’est ça aussi le métier des profession­nels de santé lors d’un tel événement. Quinze minutes seulement viennent de passer. Une éternité. Une seconde, selon de quel côté on se trouve… Les soignants appellent des renforts. Ils viennent de comprendre qu’un attentat a eu lieu dans un centre de loisirs et qu’ils vont devoir faire face à de nouvelles arrivées de blessés. Et dans quel état ? Dans les salles, on a installé les urgences absolues. « Sors-moi une seringue et un bistouri », crie un médecin en se penchant sur son petit patient. Les organisate­urs-observateu­rs, eux, épient leurs moindres faits et gestes. Et ils font bien attention. « Parfois, ils sont tellement dans l’exercice qu’ils peuvent faire vraiment la piqûre dans le feu de l’action », explique Marie Borel.

Du « pour de faux » comme « pour de vrai »

Si, au tout début de l’exercice, le personnel médical a le sourire, encore en mode « pour de faux », tout change rapidement. Ils sont à fond. En mode « réel ». Les visages sont tendus. « Il faut le garrotter à la racine du bras », demande fermement la pédiatre. «Vérifie ses constantes », ajoute-t-elle, alors qu’une nouvelle vague de blessés débarque aux urgences pédiatriqu­es. Certains patients doivent monter au bloc. Il faut trouver des chirurgien­s disponible­s. Tout se fait en temps réel. « Il me faut un chirurgien vasculaire» ,demande le docteur qui a été désigné comme directeur médical. Une autre médecin a besoin d’un ORL. C’est le chaos… contrôlé.

À même le sol ils sauvent des vies

Certains enfants ne sont pas identifiés. Inconscien­ts ou trop jeunes pour parler. Comme cette étudiante qui joue un bébé de 6 mois. Il faut la réanimer à terre. Entre le couloir et la zone de tri. Derrière elle, un autre bébé est en détresse respiratoi­re. À même le sol, les soignants donnent tout. Comme si de vraies vies en dépendaien­t. Un jour, peut-être, ils ne l’espèrent pas, ils devront se donner. Pour de vrai. Le maire de Nice, Philippe Pradal, avant l’exercice, fataliste, leur avait dit, ému : « Depuis le 14-Juillet, on se disait “chaque jour qui passe nous éloigne de ce qui nous est arrivé” . Aujourd’hui, alors que Stockholm est touché, on se dit que chaque jour nous rapproche du prochain attentat. »

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