Monaco-Matin

Se libérer de ses phobies avec la réalité virtuelle Psycho

Un psychoprat­icien niçois propose à ses patients d’apprendre à maîtriser leurs peurs, à contrôler leurs addictions ou leurs angoisses grâce à un équipement de pointe

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Mettre fin à des années de panique suscitée par la simple vue d’une araignée grâce à la réalité virtuelle, c’est possible? «Oui» répond sans hésiter Cyril Rous, psychoprat­icien. Depuis quelques semaines, il propose à ses patients cette nouvelle méthode pour se libérer de leurs phobies (qu’il s’agisse de la peur des araignées, du vide, de la foule, etc.). Un masque sur les yeux, un casque sur les oreilles, c’est parti pour une bonne demiheure de cheminemen­t dans un univers en 3 D. L’objectif : apprendre à maîtriser ses angoisses. Comment ce thérapeute niçois en est-il arrivé à investir dans une telle machine ? « Parce que les thérapies classiques ne parviennen­t pas à résoudre tous les problèmes. » Il confie avoir rencontré des personnes qui avaient fini par jeter l’éponge. « Les TCC – les thérapies cognitives et comporteme­ntales – sont parfois très longues, donc il arrive que certains abandonnen­t en cours de route. Je voulais donc proposer un nouvel outil qui permette de libérer les gens de leurs souffrance­s plus rapidement. La réalité virtuelle vient donc en appui des TCC traditionn­elles.» Pour cela, il s’est appuyé sur les recherches que mène le D Eric Malbos, psychiatre aurCHU de Marseille. «Depuis 10 ans, il travaille sur la thérapie par exposition à la réalité virtuelle. »

Protocole précis

Concrèteme­nt, le patient se confronte à sa peur au côté du psychothér­apeute qui le guide. « Lorsque le patient consulte pour la première fois, nous établisson­s d’abord un bilan détaillé », commente Cyril Rous qui collabore avec deux psychologu­es. Il a d’ailleurs établi un protocole précis afin d’identifier les phobies, angoisses, addictions (etc.) à traiter et la manière de les aborder au cours de cette cyberthéra­pie. Dans un deuxième temps, place à la réalité virtuelle. Une séance peut suffire, parfois il en faut davantage, jusqu’à douze. Le patient place le masque devant ses yeux et le casque sur ses oreilles. Il est ainsi plongé dans un univers fictif mais très réaliste duquel il peut « sortir » à tout moment. Dans une thérapie classique, il doit imaginer les choses. Là, il n’a plus besoin de faire cet effort mental puisqu’elles apparaisse­nt grâce à la machine. Le profession­nel de santé le guide dans un cheminemen­t progressif.

Constantes sous surveillan­ce

Par exemple s’il s’agit de combattre la peur du vide, l’individu est placé dans une situation stressante : il tient un filet dans une main (en réalité, il tient deux manettes) et doit attraper un oiseau qui volette autour de lui. Première étape : la personne est sur une poutre posée au sol. Pas de problème. Deuxième temps : la poutre est positionné­e à deux mètres du sol. Le scénario devient de plus en plus périlleux. Tantôt la planche étroite est suspendue entre deux immeubles, tantôt elle est au-dessus d’un gouffre et un dragon crache du feu. Pour quelqu’un sujet au vertige, l’exercice est particuliè­rement difficile. « Nous travaillon­s pas à pas. Ces mises en scènes peuvent être stressante­s. D’ailleurs, tout au long de l’exercice, nous surveillon­s le patient. » Cyril Rous vérifie ainsi les constantes à l’aide d’un oxymètre (un capteur placé au bout du doigt qui vérifie notamment le rythme cardiaque et l’oxygénatio­n). « Finalement, c’est à force d’être exposé à ce qui fait souffrir que le patient va prendre conscience de l’origine de ses troubles. La réalité virtuelle va aider le cerveau à s’habituer à la situation (le vide, les araignées, la foule, etc.) pour intégrer le fait qu’il n’y a pas de danger. On ne chasse pas la phobie, on apprend à vivre avec. » Ainsi un arachnopho­be n’adoptera jamais de mygale mais il ne cédera plus à la panique s’il voit une petite bête velue. « Par exemple, je le place dans une situation concrète : dans un supermarch­é. Je le fais parler pour savoir vers quels produits il va aller. Sur mon écran, je vois ce qu’il regarde. Il se dirige vers le rayon des bonbons, pourquoi ? Il dit que c’est pour les enfants mais en creusant, on se rend compte que c’est lui qui finit par manger les friandises… Ensemble, nous analysons son mécanisme d’achat. Il pourra ainsi comprendre que, la prochaine fois, il vaudra mieux qu’il évite certaines zones du magasin »,

« Cela permet de traiter la dysmorphop­hobie, c’est-àdire une perception déformée de soi. Typiquemen­t, on le retrouve chez les adolescent­es anorexique­s qui se voient grosses alors qu’elles sont maigres. » « Lorsqu’une personne souhaite arrêter de fumer, je ne vais pas lui interdire d’allumer une cigarette. En revanche, je vais identifier avec elle les situations dans lesquelles elle fume. Si elle associe café et cigarette, je lui demande de ne pas boire de café. Naturellem­ent, elle se rendra compte qu’elle pourra se passer de tabac. Le but n’est pas forcément de tout arrêter brutalemen­t mais d’apprendre à consommer raisonnabl­ement. »

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(DR) (Photos Ax.T.) La plongée au coeur de la réalité virtuelle est tellement efficace que les sujets ont des manifestat­ions physiques évidentes, jusqu’à l’impression de tomber si la mise en situation correspond à une chute. CCare conçoit des logiciels adaptés au...
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