«Le travail est accompli»
L’entraîneur emblématique des Niss’Angels, Rachid Méziane quitte le club après cinq ans de bons et loyaux services. Il se confie avant de mettre le cap sur Montpellier, son nouveau défi
Rachid Méziane a vécu mardi son dernier match à la tête des Niss’Angels. Avant de partir pour un nouveau challenge à Lattes-Montpellier, il s’est confié avec sincérité sur cinq années à l’issue desquelles le Cavigal et lui vont devoir apprendre à vivre l’un sans l’autre, après avoir grandi ensemble.
Vous quittez le club en le maintenant en Ligue Féminine après une saison très compliquée. C’est un soulagement ? Forcément oui. C’est une émotion forte aussi parce qu’il y avait énormément de pression. La vérité, c’est que je pense qu’on n’avait pas la meilleure équipe sur le papier parmi les en playdowns. Le résultat est là. On a trouvé les ressources collectives pour s’en sortir. Quand on gagne contre Angers, on célèbre ça comme si c’était un titre. Ça n’a pas été l’année la plus agréable de votre aventure niçoise… Non, mais ça n’a pas été une mauvaise saison. Difficile, ça, c’est sûr. Les joueuses de la saison dernière étaient devenues financièrement inaccessibles. Il a fallu reconstruire et repartir de zéro. Notre partenaire logement nous lâche, l’accueil des filles est plus compliqué que les années précédentes et on perd du temps dans notre préparation. Avec un autre format de compétition, on aurait maintenu cette équipe très tôt dans la saison. Et puis, il y a cette participation historique en Eurocup. Ça aurait été un manque de respect de ne pas la jouer. Beaucoup d’équipes se sont cassé la gueule avec l’Europe, nous, on s’en est sorti. Le travail est accompli. On était capable de faire mieux, c’est sans doute pour ça qu’il reste un goût amer. Il y a ce mois de décembre exceptionnel… On s’est dit qu’on avait trouvé notre rythme de croisière. Les joueuses avaient aussi trouvé leurs repères dans le collectif. Ça nous rendait très performants. Des équipes, à ce moment-là, nous ont craints. Mais en janvier, Alix Duchet se blesse au genou à l’entraînement, Camille Aubert est inapte aussi. Et là, l’équipe s’est mise en veille. Plus de lumière. Et moi, le premier. On commence à se poser des questions avec mon adjoint Grégory Muntzer. Il faut bricoler. On en perd un peu notre basket et plus grave encore nos valeurs. On essaie. Notre préparateur mental Valéry Bailleul est très important à ce moment-là. On attend presque que l’orage passe. On a accepté de subir les choses alors qu’on aurait dû se révolter. La vérité, c’est qu’on n’est jamais vraiment seul. Sauf qu’on s’isole. Ce sont des moments compliqués. Heureusement qu’on a nos familles, nos amis pour nous aider à relativiser. Ça ne reste que du sport. Mon épouse et mon petit sont à ce moment-là précieux. Au moment où le club est en difficulté, Montpellier vous appelle ... Il y a un contact avec Montpellier en effet. Dans ces moments-là, on pense qu’on n’est plus l’homme de la situation. Je ne me voyais pas honorer ma dernière année de contrat, peu importe l’issue de la saison. Trop épuisant. Il y a une vraie remise en cause qui s’opère. Quitte à prendre une année presque sabbatique. En l’espace de ans, j’ai dû voir mes parents - mois (il vient de ClermontFerrand ndlr). Je sentais ce besoin de me rapprocher de ma famille. Dans ces moments de solitude, ça pèse vite dans la balance. Montpellier, c’est une bouffée d’oxygène. On me propose d’aller coacher une des plus grosses écuries de la division. Ça va vite, on ne te laisse pas non plus un gros délai de réflexion. Ça se passe juste après la défaite contre Nantes qui nous condamnait à aller en playdowns. J’aurais voulu annoncer ça bien plus sereinement. C’est pour ça que ça me tenait à coeur de bien finir le travail. Je n’ai pas triché. Je suis quelqu’un d’honnête. Je ne pouvais pas imaginer une seconde nuire au club. C’est une fierté de faire partie de la famille du Cavigal et toutes les valeurs que le club dégage. Quand je suis arrivé, j’en entendais parler de partout. J’ai rencontré Diego Noto, un personnage exceptionnel. J’aurais tellement de personnes à remercier, le staff, les bénévoles… Je n’oublie pas non plus Laurence Laporte et Henri Biancardini qui m’ont permis de me construire, de prétendre aussi à un poste avec l’équipe de France. Quand ça a été compliqué, on m’a toujours protégé. En tant que coach, on est sur un siège éjectable. Il y a eu des moments très compliqués avec Laurence, on a parfois eu du mal à communiquer. On était en contradiction mais c’est peut-être aussi ce qui nous a permis d’avancer. Aujourd’hui, elle n’est plus présidente, je ne suis plus le coach du Cavigal. C’est une nouvelle page que le club va ouvrir. On est enfin sorti du schéma ascenseur. Je pense que le plus dur est fait, les fondations sont stables au niveau de l’équipe pro comme pour le centre de formation grâce au travail fantastique d’Alexandre Michailoff. On est dans le vrai sur ce qu’on a mis en place, maintenant il faut savoir le bonifier. Je pars avec ce sentiment d’avoir apporté des méthodes qui peuvent fonctionner. A Montpellier, finaliste du championnat de France, vous changez de dimension. Pas trop de pression ? C’est un challenge très excitant. L’Euroligue, le haut de tableau. Il faudra maintenir ce niveau-là, même si ce sera une année de construction. Je succède à Valéry Demory, une figure emblématique du BLMA. Je vais être attendu. Je suis quelqu’un de très curieux, ça va me permettre de me remettre en cause aussi. C’est une autre forme de pression. Je vais en apprendre sur moi-même.