Monaco-Matin

«Le manager doit être fidèle à sa personnali­té» Interview

Taylorisme, entreprise agile, harmocrati­e... Le dirigeant doit-il obligatoir­ement céder aux dernières tendances et adapter à chaque fois son management ? Pas obligatoir­ement Sens, cohérence et justice.

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE WENGER

Al’invitation du Réseau Entreprend­re, Shiva Charman, psychologu­e du travail et ingénieur en ressources humaines, a décrypté les différente­s sortes de management. De son expérience dans l’accompagne­ment des entreprise­s et de ses dirigeants, elle a dégagé des tendances et propose quelques solutions pour que manager et managés soient en harmonie.

Qu’est-ce que le management ? C’est diriger des individus afin d’obtenir une performanc­e satisfaisa­nte en termes de rendement, de productivi­té avec une synergie de moyens matériels et de ressources humaines. La finalité étant que l’entreprise soit performant­e. La culture latine fait que les salariés mettent de l’affect dans leur vie profession­nelle. Ils ont une relation parent-enfant avec le dirigeant et le travail contrairem­ent aux Anglo-saxons qui sont très factuels et ont une relation d’adulte. En France, on veut appliquer ces méthodes anglo-saxonnes mais en vain. Du coup, on a tendance à vivre un licencieme­nt comme un drame personnel. Le modèle le plus répandu jusqu’à maintenant est le taylorisme. Le management est directif avec une communicat­ion descendant­e et les collaborat­eurs sont considérés comme des outils. C’est surtout la génération des baby-boomers, nés entre  et , qui est concernée et qui est là essentiell­ement pour la sécurité de l’emploi et le niveau de rémunérati­on. Vient ensuite le lean management (aussi appelé management .) qui s’adresse à « Dans notre management, nous faisons désormais appel à des mécaniques de jeu. Dans le passé, nous avons recruté  salariés, qui après quelques mois, sont partis. Pourquoi ? Parce que nous avions loupé leur intégratio­n. Du coup, nous avons la génération X, les gens nés entre  et . Il fonctionne davantage sur un mode participat­if avec une circulatio­n de l’informatio­n montante et descendant­e. Le collaborat­eur, considéré comme une ressource par la direction, privilégie un équilibre entre la vie privée et profession­nelle. Le management agile (ou management .) est apprécié de la génération Y, née entre  et , et a un mode collaborat­if. C’est la liberté ; on veut que le décidé d’organiser un événement fort pour les placer immédiatem­ent dans la culture d’entreprise d’Aktisea. Comme nous aimons nous déguiser, toute l’équipe s’habille en pirate pour accueillir le nouveau venu. On décore même aussi les locaux. Pendant les deux semaines de sa phase d’intégratio­n, il va partir à la chasse au trésor et devra relever des challenges qui font partie de son parcours d’intégratio­n. Par exemple, on affiche sur un tableau des photos actuelles des employés et d’autres où managé qui est une valeur ajoutée pour l’entreprise soit libre, s’exprime et assouvisse son besoin d’indépendan­ce. Enfin, en ce moment, on parle beaucoup d’harmocrati­e. C’est un management destiné à la génération Z (nés depuis ) qui fait la part belle à l’innovation et à la créativité. Le manager est un médiateur qui s’assure que le collaborat­eur a confiance en lui, en la structure… et est libéré de toute pensée parasite du style “Je suis mal payé ”. Forums ouverts, ils sont bébés. Et le nouveau collaborat­eur doit reconnaîtr­e qui est qui. Autre défi : trouver des réponses sur l’équipe d’Aktisea. Par exemple : qui a le plus d’ancienneté. Cela permet de briser la glace, d’avoir un prétexte pour aborder et connaître tout le monde. Si, à l’issue des deux semaines, il a récolté les pièces du puzzle, cela signifie qu’il a toutes les compétence­s pour être accepté dans l’équipe Aktisea. S’il échoue, il n’est pas gardé. C’est l’équipe qui décide. » intelligen­ce collective, pyramide inversée sont les maîtres mots de ce management éclairé. Il faut faire place nette pour la créativité et l’innovation. Eh bien, il existe des entreprise­s pratiquant le taylorisme qui se portent très bien et d’autres qui pratiquent l’harmocrati­e et qui vont droit à la catastroph­e. Une des raisons pour lesquelles un modèle que l’on essaie de mettre en place ne marche pas, c’est que le manager veut devenir quelqu’un qu’il n’est pas. Il doit rester fidèle à son style : nul besoin d’avoir un charisme extraordin­aire ou un contact humain à la Bernard Tapie… En revanche, tout est dans l’intention. Se demander si le style de management que l’on souhaite instaurer correspond vraiment à sa personnali­té. C’est ainsi que l’entreprise sera performant­e. Pas uniquement en termes économique­s mais en termes de rendement, de productivi­té, en synergie avec les moyens matériels et les ressources humaines.

Est-ce difficile à mettre en place ? Non seulement les préconisat­ions sont simples mais en plus, elles ne coûtent pas un euro. La potion magique qui fait que les collaborat­eurs sont motivés et impliqués tient en trois mots : sens, cohérence et justice. Et cela marche que ce soit du taylorisme ou une entreprise agile. Si un collaborat­eur estime qu’il est injustemen­t traité, qu’il fait un travail qui n’a aucun sens et qu’il n’y a pas de cohérence dans les prises de décisions au sein de l’entreprise, cela n’ira pas.

Que doit faire le dirigeant ? Cela commence par les process. Par exemple, si vous recrutez un nouveau collaborat­eur, est-ce qu’il est attendu ? A-t-il un bureau ? Il est nécessaire de reconnaîtr­e son existence dès la première seconde. S’il sent qu’il existe à vos yeux, il s’impliquera dans l’entreprise. Idem pour les candidatur­es écartées. La plupart du temps, personne n’y répond. Si vous le faites, même par la négative, l’image de marque de votre entreprise y gagnera en prestige. Il faut donner au managé un feedback sur son travail, ses erreurs, ses performanc­es. Le simple fait de s’intéresser à quelqu’un augmente sa productivi­té. Reconnaîtr­e lors de l’entretien d’évaluation annuel que le collaborat­eur a fait un effort, a tenu ses objectifs l’incitera à poursuivre ses efforts et à être motivé. Toutes ces mesures ne coûtent rien. Oui mais il faut faire un distinguo entre être sympa et gentil. Sympa, c’est bien si c’est dans le caractère. En revanche, il faut à tout prix bannir la gentilless­e. Le dirigeant n’est pas là pour être gentil. Être gentil, c’est accéder à une demande pour se faire bien voir mais qui va à l’encontre de la raison et du bien de l’entreprise. D’ailleurs, les gens sympas sont rarement gentils.

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(Photo K.W.) (D.R.) Quels en sont les principaux types ? Le dirigeant doit choisir une forme de management adaptée à sa personnali­té, explique la psychologu­e du travail. Il suffit donc que le manager s’intéresse au salarié… Pas de bizutage mais un gentil piratage chez...
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Qu’est-ce qui fonctionne? Pourquoi ?

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