Une victoire et un défi
« Au lendemain de sa large victoire, rien n’est acquis définitivement pour Emmanuel Macron. »
Après une fantastique chevauchée politique, dont la Ve République n’offre aucun autre exemple, après une campagne d’une violence inouïe, Emmanuel Macron n’a pas caché, hier soir, dans un court discours solennel, grave, sans trace de triomphalisme, une intense émotion. Il l’a donc emporté largement, loin de ce qu’il attendait lui-même, sur Marine Le Pen. Plus de % des voix tandis que la présidente du Front national est loin du cap qu’elle s’était fixé et qu’elle n’a pas atteint : % des suffrages. A ceci près, et ce n’est pas rien, que l’abstention est historiquement au plus haut : % d’abstention, c’est beaucoup, c’est même le record depuis . Preuve qu’une part des électeurs de Jean-Luc Mélenchon se sont abstenus ou ont voté blanc, comme leur leader leur en avait laissé le choix. Signe aussi qu’une partie de la droite filloniste n’a pas non plus suivi comme un seul homme les consignes de la plus grande partie de ses dirigeants, de François Fillon lui-même à Nicolas Sarkozy ou, surtout, Alain Juppé. Avant de s’en aller fêter sa victoire au pied de la pyramide du Louvre, Emmanuel Macron a affirmé dès heures, hier soir, sa volonté de rassemblement. Il sait qu’il devra d’abord réconcilier les Français, recoudre les blessures, apaiser les peurs, réconcilier une France fracturée et imposer ce qu’il appelle un « nouvel esprit de conquête ». C’est aujourd’hui donc, pour lui, comme l’a dit l’un de ses prédécesseurs, que les difficultés commencent. L’histoire ne s’arrête pas le mai. Elle commence au contraire pour celui qui est, suivi de près par Louis-Napoléon Bonaparte, le plus jeune Président que les Républiques françaises ont porté au pouvoir depuis . Elle commence d’abord, mais c’est anecdotique, par la cérémonie d’aujourd’hui, qui le verra, aux côtés du Président en exercice, participer aux cérémonies de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie. Commémoration suivie, sans doute le dimanche mai, par la passation de pouvoir au palais de l’Elysée, où François Hollande l’avait parrainé, sans se douter qu’Emmanuel Macron le quitterait deux fois, la première en abandonnant son poste de secrétaire général adjoint, la seconde en quittant le gouvernement pour prendre son envol présidentiel L’essentiel, évidemment, n’est pas là. La France, dès ce matin, entre dans une nouvelle campagne électorale, celle des législatives. Car, avant de réformer, par ordonnances, le Code du travail, ou moraliser la vie politique, Emmanuel Macron doit se doter d’une ample majorité au Parlement. Pulvériser, comme il le veut, la droite ? Même si certains parmi elle paraissent prêts à le rejoindre, elle ne se laissera pas si facilement dévorer toute crue. François Baroin, placé par ses pairs au commandement de cette campagne, a confirmé, dès dimanche, sa volonté de donner la majorité à son parti, Les Républicains. Contenir la gauche mélenchoniste ? Ceux-ci ont crié très fort, hier, leur désir d’incarner au Parlement l’opposition de gauche au nouveau Président. Au lendemain de sa large victoire, rien n’est définitivement acquis, donc, pour Emmanuel Macron. Large majorité rangée en ordre de bataille derrière lui, coalition imposée avec de nouveaux alliés de droite ou de gauche, cohabitation inévitable avec la droite : de la bataille politique qui recommence, dépend la reconstruction de la vie politique qu’il souhaite. Et l’avenir, plus ou moins paisible, du quinquennat.