Monaco-Matin

 ANS APRÈS... Valencony : « Chirac m’avait fait sourire »

- RECUEILLI PAR PH.C. PH.C.

Bruno Valencony est retourné en Corse où il entraîne les gardiens du centre de formation du SCB. Mais il a toujours un moment pour évoquer le  mai . Allô Bruno... Il raconte : « Je me souviens avoir traversé une journée tranquille. Sans stress grandissan­t, sans angoisse inutile. J’avais bien dormi la nuit du vendredi au samedi. J’étais bien. Presque certain d’aller vers la victoire. Quand on est arrivé au Parc des Princes, deux bonnes heures avant le coup d’envoi, une image m’a marquée. Celle du virage où étaient massés les supporters niçois. A notre droite en entrant. Ils étaient là. Ils étaient nombreux. Ils étaient bruyants. Le stade entier était rouge et noir puisque Guingamp portait les mêmes couleurs que nous. Mais je ne voyais qu’eux. Comme nous, ils avaient vécu une saison de galère. Nous avions enchaîné les défaites, nous étions condamnés à descendre en deuxième division. Nous avions été décevants. Mais ils étaient là ! Ils nous avaient acclamés. J’en avais le frisson. Grâce à la Coupe, nous retrouvion­s la folie, la ferveur du public niçois. Nous avions eu un parcours compliqué, sans faire de grands matchs contre de grandes équipes. Sans signer d’exploit. Personne ne nous attendait. Sauf nos supporters. Avant le match, Jacques Chirac m’avait fait sourire. Nous sommes en plein protocole, là, Fred Gioria présente les joueurs un à un au président de la République. Arrivé à moi, il lui dit : ‘’Notre gardien : Bruno Valencony’’. ‘’Ah lui, je connais !’’ répond Jacques Chirac en me serrant la main. Je n’ai jamais su si c’était vrai ou pas. Mais quand j’ai vu sa connaissan­ce des joueurs de l’équipe de France pendant la Coupe du monde , j’ai commencé à douter... La finale ? Je revois la première frappe de Coridon avec un vilain rebond. Je ne relâche pas le ballon. Un bon signe. On va direct aux tirs au but non ?... J’ai le public niçois dans mon dos. Il me pousse, il me protège, il me transcende. Sur les cinq penaltys, je pars quatre fois du bon côté. Dans cet exercice, j’essayais toujours d’inciter le tireur à frapper là où je le voulais moi. Je stoppe le premier et le dernier. Quand Loule (Gomis) rate le sien, je lui dis : ‘’T’inquiètes, je vais arrêter le suivant.’’ Ce que je fais. Je savais qu’on allait gagner. Je savais que Vermeulen ne tremblerai­t pas. Une force était en nous. Au-dessus de nous. La saison avait été trop pourrie pour que rien ne nous sourit. C’est le moment le plus fort de ma carrière. L’émotion la plus grande. A Nice, je suis longtemps resté Bruno, le héros. Le gardien de la Coupe de France. Mais aussi le fidèle qui a passé  ans au Gym. Je suis fier de tout ça. Et je n’ai rien oublié.

« Quinze jours avant la finale, on joue contre Lyon. Là, je ressens une douleur violente à la cuisse. Elongation, déchirure ? Moi, je comprends de suite. Je sais que c’est mort, mais je suis dans le déni. Après  jours d’arrêt, je reprends la course. J’ai mal mais je serre les dents. Je triche... Le mercredi, veille du départ pour Clairefont­aine, le coach Takac me demande de courir au Parc Charles Ehrmann. Seul. L’après-midi. Les autres se sont entraînés le matin. J’implore notre kiné ‘’Bebert’’ Gal pour qu’il me fasse un garrot. Rien n’y fait. Le mal est trop profond. Je rentre au vestiaire et là j’éclate en sanglots. Je pleure, je pleure. Je vais rater la finale, le rendez-vous de ma carrière. Si j’avais été un joueur de passage... Mais, moi, le Gym c’est le club de ma vie. J’ai porté mon premier maillot rouge et noir à l’âge de cinq ans. J’en ai joué des matchs, j’en ai connu des galères. Pour une fois que Nice peut toucher au bonheur, je suis blessé. Absent. Je pensais monter à Paris avec l’équipe. Vivre ce moment de l’intérieur. Mais le Gym m’a oublié... J’ai donc fait le déplacemen­t avec les épouses dont la mienne et certains dirigeants. Comme si j’étais un sponsor ou un supporter. Ça m’a meurtri. Je ne l’ai jamais compris, ni accepté. Bien sûr, j’ai poussé l’équipe. Mais de la tribune. Évidemment, la victoire m’a rendu heureux et fier. Et les larmes ont encore coulé. Mais je me suis senti écarté. J’en ai longtemps voulu à certains. Puis le temps est passé. Il a apaisé la douleur. L’amitié a été renouée avec mes compagnons de jeu dont Fred Gioria. Mon Fredo, mon ami. Vingt ans après, je n’ai plus de colère, juste encore un peu de chagrin d’avoir raté le match de ma vie.»

 ?? La fête au Niels, la fête sur la Prom, la fête en mairie, la fête au Ray. ?? Une poignée de main et une séance de tirs au but que le gardien de but du Gym (-) n’oubliera pas. La Coupe en famille
La fête au Niels, la fête sur la Prom, la fête en mairie, la fête au Ray. Une poignée de main et une séance de tirs au but que le gardien de but du Gym (-) n’oubliera pas. La Coupe en famille

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