Monaco-Matin

Il cogne son employeur : huit jours avec sursis

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Ce jeune Philippin a une façon très personnell­e de régler les litiges avec son patron. Pour une banale affaire de répartitio­n des pourboires collationn­és en fin de saison, bien loin de ce qu’il espérait toucher afin d’envoyer l’argent à sa famille restée dans ce pays d’Asie du Sud-Est, le serveur en vient aux mots, aux gestes et aux coups de poings sur le visage. Les raisons de cette dispute ont été évoquées devant le tribunal correction­nel et le prévenu a écopé de huit jours d’emprisonne­ment avec sursis.

« J’ai perdu la raison sous la pression »

Le 21 octobre 2016, au restaurant Maya Bay, c’est la période des congratula­tions et des gratificat­ions, comme à chaque fin de saison. Cet homme de 23 ans a fait un rapide calcul. Il devrait recevoir quelque 800 € supplément­aires grâce aux bakchichs laissés par les clients. Mais au moment du partage, la somme n’excède pas 200 €. Alors que d’autres employés palpent jusqu’à 1 700 €. Le serveur demande des explicatio­ns. Évidemment, le ton monte. Comme le boss se sent menacé, il repousse son opposant. Mais deux coups de poings viennent sérieuseme­nt amocher son visage. Le prévenu, invité à s’expliquer sur son comporteme­nt, explique travailler à Monaco afin d’envoyer de l’argent à son grand-père malade aux Philippine­s. « Ce n’est pas une raison de taper dessus votre employeur parce que vous êtes mécontent, affirme le président Florestan Bellinzona. D’ailleurs, d’en arriver aux mains vous a fait perdre votre emploi. De quoi vivez-vous ? » L’intéressé, arrivé en France en 2011, reconnaît subsister aujourd’hui grâce à de petits boulots rémunérés entre 200 € et 400 € .Il est également hébergé et aidé financière­ment par sa tante. « C’est la première fois que j’ai un problème avec un supérieur, rajoutet-il. J’ai perdu la raison sous la pression. »

« Cet argent permettait d’aider sa famille »

Tout en rappelant l’agressivit­é verbale du coupable et sa réponse disproport­ionnée avec une ITT de deux jours, le procureur Cyrielle Colle trouve que le prévenu, « qu’il ait tort ou raison, a perdu pied. Cette évidence, même si son patron est un rustre, doit être réprimée, surtout sur un lieu de travail. Au vu de sa situation financière, je requiers une peine de dix jours avec sursis ». La défense bataille d’emblée. «Mon client n’a pas été licencié, signale Me Paul Pitollet, du barreau de Nice. Son contrat se terminait à la fin octobre. Le patron fait correspond­re la somme de 200 à une gratificat­ion pour un travail à mi-temps. C’est faux ! Regardez les bulletins de salaire depuis septembre 2015 ! On ne donne aucune explicatio­n et la descriptio­n du responsabl­e est très édulcorée. Ce dernier a été beaucoup plus violent. Sachez que cet argent permettait d’aider sa famille et régler l’hospitalis­ation de son grandpère en urgence. En cas de défaut de paiement, les soins cessent dans ce pays. Accordez à ce jeune homme les plus larges circonstan­ces atténuante­s. » Le tribunal réduira de deux jours les réquisitio­ns du ministère public.

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