Monaco-Matin

Affaire du tunnel de Tende : la route d’accès menacée

L’expert mandaté par le procureur de Nice confirme les risques liés au mur haut de 11 mètres, édifié le long de la RD 6204. Ce matin, réunion franco-italienne consacrée au chantier à l’arrêt

- TEXTES: CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Il y a un danger grave et imminent en cas de fortes intempérie­s. » Quoi qu’il lui en coûte, Jean-Pierre Vassallo ne s’en cache plus. Oui, la route qui relie France et Italie via le tunnel de Tende est désormais menacée de fermeture provisoire. Les instances étatiques ont confirmé au maire de Tende ce que chacun pouvait craindre, au vu du piteux état du mur érigé sur le flanc de la RD 6 204 80 mètres de long, près de 11 mètres de haut et des fissures béantes, mal camouflées. Ainsi se présente le mur édifié à un jet de pierres du tunnel de Tende, en aval, dans la Roya. Attendu depuis plusieurs décennies, le chantier du doublement du tunnel est à l’arrêt depuis le 24 mai dernier, après un vaste coup de filet de la justice italienne. Les dix-sept personnes mises en cause sont toutes transalpin­es. Mais l’enquête s’est prolongée en France. Et, de ce côté-ci des Alpes, ce mur mal fagoté symbolise les dégâts collatérau­x de cette affaire na- vrante, partie d’un vol de métaux à grande échelle.

« Un coup terrible »

Deux cents tonnes de métal auraient disparu de ce chantier XXL, financé à 42 % par la France mais piloté par l’Italie. Ces métaux auraient fait le bonheur de ferrailleu­rs italiens, au lieu d’équiper la galerie du second tunnel en cours de percement - l’ancien, voisin, ne répondait plus aux normes de sécurité. Entreprene­urs, chefs de chantier, ouvriers : les suspects sont mis en cause pour vol aggravé, tromperie sur la qualité de biens publics et détention illégale d’explosifs. Explosive, l’affaire l’est aussi. Parce qu’elle éclabousse un géant du BTP italien, Fincosit, et l’Agence nationale « demande d’entraide pénale internatio­nale » des routes italiennes (Anas). Parce qu’elle relègue au chômage technique plus de 80 ouvriers - le procureur de Cuneo a placé le chantier sous scellés pour cinq mois. Et parce qu’elle sème le doute sur la viabilité même des travaux réalisés. Cible principale : le fameux mur de la RD 6204. «La sous-préfète m’a appelé. Il serait envisagé de fermer la route, confie Jean-Pierre Vassallo. Je leur ai dit que ce serait une catastroph­e totale. Une paralysie des deux côtés, et un coup terrible à la veille de la saison estivale ! Cela affecterai­t l’économie de la vallée et, au-delà, les 3 600 à 15 000 véhicules qui passent ici tous les jours. » Son homologue de Limone, Angelo sécurité publique. Notamment pour les usagers de la RD   et pour les personnes susceptibl­es de circuler ou de travailler sous le nouveau tunnel ». Fruttero, a de son côté déclaré à La Stampa que « le mur ne risque pas de s’écrouler. La France nous a ras- surés là-dessus ». Pourtant, les « risques pour la sécurité publique » sont bien réels. L’expert mandaté par le procureur de Nice le confirme dans son rapport (lire ci-dessous) .La balle est dans le camp du préfet des Alpes-Maritimes.

Réunion à Cuneo aujourd’hui

Selon nos informatio­ns, ce dernier avait demandé la tenue d’une réunion entre les autorités françaises et italiennes. Celle-ci a lieu ce matin. A la table de Cuneo : préfecture, région, parlementa­ires et maires. Au menu : un dossier brûlant. Le préfet des A.-M. a, d’ores et déjà, demandé des analyses techniques approfondi­es. Le procureur de Nice y a donné son feu vert hier soir. Sans attendre, Jean-Pierre Vassallo a interpellé les conseils régional et départemen­tal, partenaire­s financiers du chantier. « Le Départemen­t a été associé aux services de l’État pour définir conjointem­ent les mesures conservato­ires à mettre en oeuvre pour assurer la sécurité des usagers, indiquent les services départemen­taux. Limite de l’exercice : Ces mesures ne pourront être mises en oeuvre qu’après accord des autorités judiciaire­s italiennes, le chantier étant sous séquestre» . Au Départemen­t, on affirme avoir alerté le ministère à deux reprises « pour des suspicions de manque de technicité sur les travaux du tunnel ». Jean-Pierre Vassallo, lui aussi, «l’a mauvaise. J’avais signalé des anomalies quand le mur ne faisait encore qu’un mètre de haut… » Dans le doute, l’édile songe à des plans B. Il demande «à ce que la “route des 50 lacets”, qui relie l’entrée du tunnel au col, soit d’urgence remise en état ». Autre piste suggérée à la Région : le retour des navettes ferroviair­es entre Tende et Cuneo pour acheminer les véhicules. Au cas où le tunnel se muerait en impasse. Lire notre dossier paru le jeudi 1er juin.

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(Photo P.C.) (Photo Frantz Bouton) Au col de Tende, le mur édifié en aval du chantier (à gauche sur cette photo) inquiète autorités et experts.

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