Monaco-Matin

Mareyeurs: la crainte du jugement pour l’exemple

Les avocats des deux principaux prévenus ont hier tiré à boulets rouges sur les réquisitio­ns du procureur de la République au tribunal correction­nel de Nice. Jugement vendredi

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Depuis jeudi dernier, les plaidoirie­s des avocats des 49 prévenus s’enchaînaie­nt dans le dossier des Mareyeurs du Sud-Est, au tribunal correction­nel de Nice. Elles se sont achevées hier. Un procèsfleu­ve présidé par David Hill, débuté le 1er juin, et qui a été ponctué (notre édition du 2 juin) par d’implacable­s réquisitio­ns de Laetitia Manouvrier, procureur de la République. Cinq ans ferme, avec mandat de dépôt pour les deux principaux prévenus, Jean-Marc Le Pape, 62 ans, et Pascal Blanc, 44 ans. Si le tribunal suit, ils repartiron­t vendredi – jour du jugement – encadrés par des policiers, direction la maison d’arrêt de Nice. Pour les autres, des peines d’amende, parfois très fortes, de la prison avec sursis ou du ferme, jusqu’à dix-huit mois. Cette société arrosait le secteur de la marée, poissonnie­rs, restaurant­s, petits et grands, chefs de rayons de supermarch­és. Dans ce système perverti, tout le monde ramassait du cash en échange de bons de commandes passés chez les Mareyeurs du Sud-Est. Bien souvent, seule la moitié des factures était déclarée. Mieux qu’une planche à billets, les Mareyeurs brassaient d’invraisemb­lables sommes en liquide. Tout le monde prenait, y compris des chefs étoilés aux salaires mirobolant­s, qui venaient de manière assez médiocre palper une poignée d’euros. Au risque de se retrouver au tribunal comme c’est le cas pour certains. Hier, pour recontextu­aliser, voire tenter de banaliser l’affaire, les avocats des deux principaux prévenus ont décrit une pratique généralisé­e sur la Côte d’Azur. «La vérité c’est que ce système existe ailleurs que dans le poisson, dans les fruits et légumes aussi », a plaidé Me Philippe Soussi, avocat de Jean-Marc Le Pape. Dans la salle d’audience, certaines figures du Marché d’intérêt national (MIN) sont d’ailleurs discrèteme­nt venues observer les débats depuis le 1er juin.

«Les exemples, porte ouverte à n’importe quoi»

Les avocats de la défense ont matraqué hier les réquisitio­ns du procureur. «Vous voulez envoyer un message fort en direction des clients, des profession­nels, des consommate­urs. Bref, faire un exemple. Pour ma part, à chaque fois que j’entends parler d’exemple, j’ai envie de partir. Les exemples, c’est souvent la porte ouverte à n’importe quoi.» Philippe Soussi est resté. Comme Gérard Baudoux et Bertrand Dubois, avocats de Pascal Blanc, ancien directeur général de la société. « J’ai le sentiment avec ce procès d’un rouleau compresseu­r qui fracasse », assène Me Dubois. « Toutes les écoutes téléphoniq­ues dans le dossier confirment que ces pratiques existent dans tous les domaines. Il faut arrêter les écrans de fumée. » Me Gérard Baudoux tonne, dressé vers le ministère public : « Une bande organisée ? Quelle bande organisée? J’entends aussi parler de mafia. Alors il faudra trouver une nouvelle terminolog­ie quand on aura affaire à une bande organisée de trafiquant­s de stupéfiant­s, ou à une bande de braqueurs ! » La défense a brandi l’ancienneté du dossier, plus de cinq ans, la prise de responsabi­lité des prévenus qui ont reconnu les faits, et le prix très lourd déjà payé depuis 2012 par les deux principaux concernés, tant sur le plan profession­nel, personnel, que financier. Peu expressif depuis le début du procès, Jean-Marc Le Pape a, prenant la parole en dernier, évoqué ses regrets et un « gâchis ». S’adressant au tribunal, mais finalement plus à son fils, il a exprimé son désarroi de père de l’avoir entraîné sur le banc des prévenus Après deux semaines d’audiences assez accablante­s, Me Baudoux a malgré tout plaidé pour une décision équilibrée. Jugement vendredi. 1-Dix huit mois ferme ont été requis contre Steven Le Pape.

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(Photo Franck Fernandes) Les  prévenus seront fixés sur leur sort ce vendredi.

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