Monaco-Matin

Cédric Klapisch : « Un film parle mieux des problèmes de société » CE QUI NOUS LIE

- PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr

Cédric Klapisch est venu à Nice présenter son nouveau film, Ce qui nous lie. L’histoire d’une fratrie de vignerons de Bourgogne (Pio Marmaï, Ana Girardot, François Civil), confrontés à la succession de leur père. Une très jolie saga familiale, rythmée par le passage des saisons, dont le tournage s’est étalé sur toute une année. Le réalisateu­r, jusqu’ici très urbain, de la trilogie L’Auberge espagnole, nous parle de son « retour à la terre »

Le point de départ du film, c’était le vin ou la fratrie ? C’est parti du vin. Le vin, c’est beaucoup de choses à la fois : le savoir faire, le terroir, la transmissi­on… Il y a toute une mythologie qui s’y rattache. J’avais vu le documentai­re de Jonathan Nossiter, Mondovino, et je m’étais fait la remarque qu’il n’y avait pas beaucoup de films français qui parlent du vin et des vignobles. Je ne me souvenais que de J’ai épousé une ombre. On était en plein débat sur l’identité française et s’il y a bien un produit qui représente ça, c’est le vin. L’idée de saga familiale et de fratrie est venue ensuite… Et a fini par prendre le dessus sur tout le reste. D’où le titre en forme de jeu de mot sur la lie de vin et le lien qu’il représente… Mon père l’était. Avec une préférence pour le bourgogne qui a fait qu’on a tourné là-bas plutôt que dans le Bordelais. J’ai eu l’occasion de goûter du Romanée-Conti pendant le tournage et c’est assez imbattable, je dois dire…

Les repérages ont dû être difficiles… (Rires) Assez, oui ! On a beaucoup goûté… Ça a inspiré la scène de la fête où Ana Girardot bafouille. Quand elle est pompette, elle parle vraiment comme ça. Ça nous faisait rire, alors on l’a mis dans le film…

Mine de rien, vous évoquez la spéculatio­n foncière, les Il n’y a pas de discours politique, mais ça évoque des questions sociales importante­s. Un film parle souvent mieux des problèmes de société qu’un discours politique. L’Auberge espagnole, pour les gens, ça leur parle de l’Europe d’une façon plus proche que le traité de Maastricht…

Romain Duris n’était pas disponible pour le rôle de Jean ? Je lui en avais parlé, mais je me suis aperçu à l’écriture que j’aurais besoin de quelqu’un de plus jeune. Je l’ai rappelé pour le lui dire et ça n’a pas posé problème. Et puis j’avais envie de tourner avec Pio Marmaï que j’avais rencontré sur le film de ma Jean (Pio Marmaï) a quitté sa famille et sa Bourgogne natale, il y a dix ans, pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa soeur, Juliette (Ana Girardot), et son frère, Jérémie (François Civil). En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces trois jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissa­nt et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent… Sur ce scénario de feuilleton télé, Cédric Klapisch trousse une très jolie comédie dramatique qui s’intéresse autant au contexte (la fabricatio­n du vin, la transmissi­on) qu’aux personnage­s, tous très attachants. Ça pourrait être gnangnan ou dramatique à l’excès, ça ne l’est jamais. C’est du Klapisch millésimé. Un bon cru, à consommer sans modération… femme, Lola Doillon. J’ai découvert François Civil sur les premiers épisodes de Dix pour cent que j’ai réalisés. Je suis parti de ces deux-là pour le casting, puis j’ai cherché la soeur car je voulais parler de la féminisati­on de la profession de vigneron. Ana Girardot s’est imposée au casting. Le rapport entre eux a dépassé toutes mes espérances : ils sont vraiment devenus frères et soeur.

Dans vos films, il n’y a jamais de dramatisat­ion excessive... J’essaie effectivem­ent de faire fabriquer des drames dans l’infraordin­aire. C’est facile de dramatiser quand il y a une bombe à désamorcer ou un train qui déraille. Pour moi, le train intéressan­t, c’est celui qui ne déraille pas. Je trouve qu’il y a

plus d’histoires à raconter avec les gens qui sont dedans.

Votre premier film s’intitulait Ce qui me meut. Celui-là, Ce qui nous lie. La boucle est bouclée ? On peut dire ça, oui. Le cinéma, c’est ce qui m’a mis en mouvement et maintenant c’est ce qui me met en rapport avec les autres.

Comment se fait-il que vos films ne soient jamais sélectionn­és à Cannes ? J’ai présenté celui-là, comme les précédents, en sachant pertinemme­nt qu’il ne serait pas pris. Il faut croire que je ne suis pas « Cannable ». Je ne fais pas partie du club. Je ne me l’explique pas, je le vis…

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(Photo Production) Vous êtes amateur de grands crus ? problèmes d’écologie, de transmissi­on du patrimoine… C’est un film politique ?

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