Le philosophe et le maçon
Edouard Philippe peut dire merci à Emmanuel Macron. En tenant un discours à la fois lyrique et stratosphérique, sans mesures concrètes en dehors de la réforme institutionnelle, le chef de l’Etat a permis au Premier ministre d’écarter le risque qui le menaçait de se retrouver hors sol. Après le philosophe du pouvoir lundi devant le Congrès, c’est un maçon gouvernemental qui est intervenu, hier après-midi, devant l’Assemblée nationale dans un discours de politique concret et dru, débité au galop, devant une majorité ponctuant d’applaudissements toutes ses propositions. Il est vrai que les députés de La République en marche ! (REM) ont retrouvé dans cette intervention le programme du candidat Macron. Tout y était, de la loi sur l’assainissement de la vie publique à la transformation du CICE en allègement des charges patronales en passant par la suppression de la taxe d’habitation, la modification de l’ISF, la suppression des charges salariales en échange d’une hausse de la CSG, sans oublier la construction de places de prison, l’augmentation du paquet de cigarettes à euros, la promesse de ramener le déficit budgétaire en dessous de % en , la suppression du RSI, la réforme du bac, le très haut débit partout en France en , l’obligation vaccinale pour les enfants, etc. Vaste programme qui place le chef du gouvernement au centre du chantier présidentiel. En première ligne avec une volonté certes « conquérante » mais des contraintes considérables qu’il n’a pas dissimulées en déclarant en spécialiste du noble art : « La France est dans les cordes, aucune esquive ne nous sauvera. » Ou encore : « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. » Des formules qui rappellent le constat dressé par François Fillon à l’automne : « J’ai hérité d’une France en faillite. » En vérité, ce discours compréhensible de tous, de bonne facture en raison de sa simplicité, rappelle, à bien des égards, celui de ses prédécesseurs. Le pays va mal, voire très mal, et sa situation financière oblige à faire du redressement des comptes publics une priorité absolue. Une chanson connue mais il est vrai que la situation ne cesse de se détériorer : la France est droguée à la dépense publique et sa dette enfle de plus en plus dangereusement. Rude héritage ! Un passé qui est un passif et qui conduit le Premier ministre à revoir l’agenda de mesures symboliques: la suppression de la taxe d’habitation ne se fera que d’ici à ; l’ISF tout comme la modification du CICE qu’en . On sauvera les apparences en votant très vite ces réformes mais leur exécution est différée. Encore faudra-t-il que les comptes publics soient redressés. Reste à savoir quelles dépenses seront sacrifiées ? Le maçon Philippe a une rude tâche, et peut-être un sale boulot, devant lui. On comprend que le président Macron ait choisi lundi la posture du philosophe qui ne gère pas le quotidien.
« En vérité, ce discours compréhensible de tous, de bonne facture en raison de sa simplicité, rappelle, à bien des égards, celui de ses prédécesseurs. »