Monaco-Matin

Michael Jones: « Mon bac à sable, c’est la scène »

L’éternel complice de Jean-Jacques Goldman participe samedi, dans la Pinède-Gould, au concert caritatif d’Enfant, star et match. Guitare et souvenirs en bandoulièr­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

On pourrait croire qu’il mène sa carrière par procuratio­n. Feignant d’ignorer que ceux qui l’applaudiss­ent acclament aussi, à travers lui, le plus célèbre des chanteurs absents : Jean-Jacques Goldman. Mais Michael Jones n’a pas cet orgueil mal placé. Le guitariste pose sa voix comme il place ses notes, avec une élégance rare. Et c’est sans faux-semblant, sourire aux lèvres, qu’il évoque son parcours avant de venir jouer gratuiteme­nt, samedi soir, au bénéfice des enfants malades.

Vous avez déjà participé au concert d’Enfant, star et match en . Vous récidivez ? L’an dernier, je n’étais pas disponible. Cette année, j’ai répondu présent d’autant plus volontiers qu’il y aura un orchestre. Ce sera du vrai live. C’est important de soutenir les gens qui font des efforts pour aider ceux qui en ont besoin. Je vais faire un hommage aux disparus de . Puis, avec le public, je vais chanter Je te donne.

Dans les années quatre-vingt, les jeunes chantaient cette chanson dans les manifs de SOS Racisme. Vous en étiez fier ? Quand les gens s’approprien­t une chanson, c’est forcément positif. Mais le thème de Je te donne n’est pas le racisme. Elle parle de Jean-Jacques et moi. C’est une chanson pour le métissage des cultures, pas contre le racisme!

Votre public attend, d’abord et surtout, les chansons de Jean-Jacques Goldman. Ce n’est pas frustrant pour vous ? Dans la mesure où j’y ai participé, non ! [Il rit] À partir du e album, je suis présent. Et même avant, à l’époque Thaï Phong (). Donc, je n’ai aucun problème avec ça.

Vous avez le sentiment que votre contributi­on à l’oeuvre de JJG est reconnue à sa juste valeur ? Des titres comme Des vies ou Nuit doivent beaucoup à votre guitare… À ce moment-là, nous étions dans un groupe : Fredericks-Goldman-Jones. Le mérite était divisé par trois.

Quelles sont les qualités qui font que Goldman a toujours fait appel à vous ? Jean-Jacques appréciait le fait que j’étais à la fois un bon musicien de studio et un bon musicien de scène. Je sais aussi chanter, c’était important à ses yeux. Et puis on avait, à peu près, les mêmes influences musicales.

Vous avez traversé ensemble des moments difficiles ? C’est inévitable lorsqu’on fait le tour du monde en tournée. Mais ce sont des choses dont on rit aujourd’hui. Par exemple, on s’est fait coincer dans un bus en plein soleil, sur un quai de Kinshasa, parce qu’on a refusé de verser un bakchich. Ils ont confisqué nos cassettes, tout le reste… C’était en . On a attendu jusqu’à ce qu’ils n’aient plus aucune raison de nous retenir. Ça a duré au moins trois heures ! Mais on n’a pas cédé. C’était notre façon de combattre la corruption.

Après avoir joué avec Goldman dans des salles immenses, ce n’est pas difficile de revenir dans des MJC ? C’est extraordin­aire de pouvoir tourner dans le monde entier, de remplir des zéniths sans aucune promotion. Je souhaite ça à n’importe quel artiste… Mais c’est aussi un immense privilège de pouvoir continuer à  ans. [Silence] De toute façon, faire de grosses scènes, je ne sais pas si j’en serais encore capable physiqueme­nt. C’est une grosse pression. Les salles de  ou  personnes, c’est tout de même plus agréable. La musique n’a jamais été faite pour être jouée dans les stades !

Vous êtes d’accord avec les fans qui pensent que Rouge () est le meilleur album de JJG ? L’album live de Rouge [N.D.L.R. : Du New Morning au Zénith] est le meilleur. Il est extraordin­aire ! C’est aussi la tournée qui m’a laissé les meilleurs souvenirs. Au niveau des chansons, je ne pense pas que Rouge soit meilleur que le précédent (). Né en  en Leidenstad­t ou C’est pas d’l’amour, ce sont des chansons fantastiqu­es.

Vous avez annoncé que votre album studio de ,  - , serait le dernier. Cette décision est définitive ? Oui. Enregistre­r un album, cela implique d’arrêter de tourner pendant un an. Or, je suis arrivé à un âge où mon bac à sable, c’est la scène ! Je veux m’amuser.

Dans un clip projeté lors de votre avant-dernière tournée avec JJG, on vous voit chanter Je te donne avec lui jusqu’à  ans. Il y a une chance de vous revoir ensemble en live ? Il n’y a rien de prévu. Comme vous le savez, Jean-Jacques a pris deux années de vacances en Grande-Bretagne pour que ses enfants soient bilingues. Après… je n’en sais rien.

Savez-vous qu’un Antibois a créé un groupe Facebook Pour le retour sur scène de Jean-Jacques Goldman ? Oui, je connais ce groupe. JeanJacque­s le connaît aussi. On ne peut pas être indifféren­t à une telle démarche. [Silence] L’absence de Jean-Jacques a créé un manque que certaines personnes ont du mal à combler. Aucun jeune chanteur n’a pris sa place. Parmi les interprète­s de la nouvelle génération, très peu écrivent leurs propres chansons : ceci explique peut-être cela…

Goldman passe le plus clair de son temps à Londres ; vous vivez à Lyon. Trouvez-vous encore le temps de vous voir ? C’est difficile. Nous nous croiserons peut-être cet été, à Marseille, où je fais plusieurs dates. Je l’espère.

Il continue à composer ? Oui. Il vient d’écrire deux titres pour Patrick Fiori. Même s’il a décidé de ne plus faire de scène, il ne peut pas s’empêcher d’avoir des idées. [Sourire] Je crois que composer pour les autres suffit à son bonheur d’artiste. Il a toujours dit que les chansons sont plus importante­s que ceux qui les interprète­nt.

On a dit qu’il avait quitté les Enfoirés à cause de dissension­s internes. C’est exact ? Il n’y a jamais eu de dissension­s ! Mais il s’occupait des Enfoirés depuis trente ans ; il a senti que c’était le moment de passer la main, que l’équipe était assez forte pour continuer sans lui. S’il n’avait pas été convaincu de cela, il aurait continué !

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