Monaco-Matin

Sportives testostéro­nées: l’étude qui va faire jaser

Un praticien de l’Institut monégasque de médecine du sport conclut dans une étude scientifiq­ue que les athlètes féminines produisant un excès de testostéro­ne sont anormaleme­nt avantagées

- ARNAULT COHEN acohen@monacomati­n.mc

Le sujet risque de faire jaser dans les vestiaires du stade Louis-II, ce soir. Surtout dans ceux des athlètes féminines. Quelques jours avant le meeting d’athlétisme Herculis, un médecin de l’IM2S, l’Institut monégasque de médecine du sport, a signé une étude publiée dans la revue médicale British Journal of Sport Medicine sur le thème très controvers­é des sportives produisant naturellem­ent un excès de testostéro­ne, l’hormone masculine. Le sujet n’est pas une coquetteri­e intellectu­elle de scientifiq­ues. Il est très sensible, pour ne pas dire polémique, dans le monde du sport en général et celui de l’athlétisme en particulie­r. C’est d’ailleurs la Fédération internatio­nale d’athlétisme qui l’a commandée à l’IM2S, et financée avec le soutien de l’Agence mondiale antidopage.

« Ces athlètes sont avantagées »

L’IAAF, en effet, avait jusqu’au 27 juillet 2017 pour apporter la preuve scientifiq­ue de l’avantage dont bénéficier­aient les athlètes féminines produisant naturellem­ent trop de testostéro­ne, l’hormone mâle, parfois utilisée comme produit dopant. Un débat qui fait suite à un conflit entre l’IAAF et une athlète indienne, Dutee Chand, excessivem­ent testostéro­née, à qui la Fédération internatio­nale imposait de suivre des traitement­s pour faire baisser ce taux de testostéro­ne qui l’avantagera­it par rapport à ses concurrent­es. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a jugé ce règlement discrimina­toire, en l’absence de preuve scientifiq­ue entre un taux de testostéro­ne élevé et les performanc­es physiques. Ce lien est désormais établi. C’est en tout cas la conclusion du Dr Stéphane Bermon, médecin du sport à l’IM2S, qui a piloté l’étude : « Oui, ces athlètes sont clairement avantagées. Un excès de testostéro­ne chez elles, à un taux comparable à celui des hommes, leur permet d’accroître leurs performanc­es de 2 à 3 %. C’est colossal. Les athlètes s’entraînent toute leur vie pour gagner ces 2 à 3 % d’améliorati­on de leurs performanc­es…»

« Réglementa­tion nécessaire »

En clair, l’étude prouve que les femmes présentant cette particular­ité hormonale ont de meilleures performanc­es dans certaines discipline­s que celles ayant un taux plus faible (lire ci-contre). La conclusion du praticien monégasque est sans ambages : «Cet avantage très important nécessite qu’une réglementa­tion soit mise en place.» Elle existait jusqu’en 2015 dans les textes de l’IAAF. Le Tribunal arbitral du sport l’a suspendue. L’étude de l’IM2S devrait peser d’autant plus lourd sur la décision prochaine du TAS qu’elle constitue une première, en raison de l’importance de l’échantillo­nnage. « L’étude se base sur les résultats des prises de sang réalisées par l’IAAF sur tous les athlètes, hommes et femmes, lors des championna­ts du monde de 2011 et de 2013, dans le cadre d’un programme antidopage », poursuit le Dr Bermon. Cette étude clinique et statistiqu­e est donc imparable. Ses conclusion­s devraient inciter les instances de l’athlétisme, et peut-être d’autres sports aussi, à obliger ces femmes produisant de la testostéro­ne en excès à suivre un traitement si elles souhaitent pouvoir participer à des compétitio­ns officielle­s. Parmi les athlètes concernées par cette particular­ité hormonale, Caster Semenya. La Sud-Africaine, championne olympique du 800 m à Rio en 2016, s’alignera ce soir au départ de sa distance fétiche au stade Louis-II.

 ?? (Photo AFP) ?? La Sud-Africaine Caster Semenya, championne olympique du  m à Rio en , fait partie de ces athlètes qui produisent trop d’hormones mâles.
(Photo AFP) La Sud-Africaine Caster Semenya, championne olympique du  m à Rio en , fait partie de ces athlètes qui produisent trop d’hormones mâles.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco