Monaco-Matin

L’empreinte éternelle de Ray

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Tous les jours, jusqu’à la fin de Jazz à Juan, notre journalist­e Robert « Bob » Yvon ouvre sa malle aux souvenirs. Sous son légendaire chapeau, trentecinq ans de festival refont surface ! «Tu t’imagines, à Juan, sur la promenade de la Pinède-Gould, il y a l’empreinte de la main gauche de Ray Charles ! » Combien de fois, en marchant sur ce trottoir, avez-vous été surpris par la liste impression­nante d’artistes qui ont laissé une « trace » de leur passage ? Le soir où Ray Charles a laissé son empreinte, le 21 juillet 1999, j’étais là... C’était un moment particuliè­rement émouvant : la superstar, qui nous a quittés le 10 juin 2004, a enchanté les nuits de Jazz à Juan jusqu’à son dernier passage en 2001. Ce soir-là, Ray avait accepté de rejouer en quintet, mettant en valeur son jeu au piano et sa sublime voix de velours au blues inégalé. L’année précédente, il était venu à Juan pour la dernière fois avec ses choristes, les Raelettes, et un Big Band royal. A chacun de ses passages, il y avait un rituel : un bon verre du meilleur champagne français en coulisses, le Big Band qui ouvrait le set, l’annonce de son arrivée sur scène (« Ladies and gentlemen, mister Rayyyyyyy Charles ! »). Puis son secrétaire l’accompagna­it sur scène, l’installait au clavier. Ray connaissai­t parfaiteme­nt la position de son instrument, savait bouger, saluer son public, puis lancer un show dont la qualité était très irrégulièr­e – surtout lors de ses dernières visites. Le public avait toujours droit à une pluie de tubes, jusqu’aux fameux Georgia on my mind ou l’indémodabl­es Hit the road Jack. Pour Beatrice Di Vita, chargée de communicat­ion du festival, l’organisati­on d’une rencontre avec la presse était un rituel. L’agent de Ray – son ex-dentiste Jean Pierre Grosz – amenait le chanteur aveugle dans une suite feutrée, où quelques journalist­es triés sur le volet avait l’opportunit­é de lui parler. J’ai eu la chance d’être une fois seul à seul avec lui. Hors conférence de presse, interviewe­r Ray n’était pas toujours simple. Il vous serrait la main et voyait s’il pouvait vous faire confiance. Ensuite, il fallait être très précis dans les questions, ne pas l’ennuyer. Je me souviens lui avoir demandé avec qui il souhaitera­it aujourd’hui faire un duo. « Justement, je travaille sur un album de ce type», m’avait-il répondu. Pour autant, à Juan, Ray Charles était le plus souvent abordable et détendu. Mais ces conférence­s de presse pouvaient être très courtes. Comme la dernière, vers une heure du matin, le soir de son dernier concert en 2001. Ce soir-là, Ray avait eu un geste insolite : il avait essuyé sur scène ses lunettes de soleil. On aurait dit que, par miracle, il avait retrouvé la vue…

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