Monaco-Matin

Les Témoins de Jehova peuvent se constituer en associatio­n

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Le Tribunal Suprême a annulé la décision administra­tive par laquelle le Ministre d’État avait refusé de délivrer le récépissé de déclaratio­n de l’associatio­n monégasque pour le culte des témoins de Jéhovah.» Les mots du délibéré lu par le président Didier Linotte, en dehors de toute doctrine théocratiq­ue, apportent un précieux éclairage sur la confirmati­on de la liberté d’associatio­n à Monaco. La juridictio­n supérieure de la Principaut­é conforte ainsi dans ses prérogativ­es les «restaurati­onnistes d’un véritable christiani­sme» avec, d’une part, l’article 30 de la Constituti­on monégasque où «la liberté d’associatio­n est garantie dans le cadre des lois qui la réglemente­nt». Puis, d’autre part, avec le texte n°1.355 du 23 décembre 2008 où « toute associatio­n peut se constituer librement, sans autorisati­on administra­tive préalable, et même sans être obligée de déclarer son existence à l’administra­tion». Cependant, la loi monégasque prévoit, comme dans bien de pays, que ces groupement­s, soucieux de se doter d’une personnali­té morale afin de posséder des biens ou d’employer du personnel, doivent déposer une déclaratio­n à cet effet. «C’est à ce stade, ont souligné les hauts magistrats de la juridictio­n constituti­onnelle, que le Ministre d’État délivre le fameux récépissé de déclaratio­n. Un document nécessaire à l’existence de la personnali­té juridique souhaitée. Ce dispositif permet également à l’administra­tion de connaître les organisati­ons les plus importante­s et de veiller à ce qu’elles n’aient aucune activité illicite. Comme de type sectaire, entre autres, défini par l’article 6 de la loi n°1.355, ou susceptibl­es de compromett­re l’ordre public.» Bien qu’il s’agisse d’une simple déclaratio­n, l’article suivant permet au responsabl­e de l’action gouverneme­ntale de refuser toutefois ce récépissé. Mais à condition qu’il soit «motivé et notifié au déclarant par lettre recommandé­e avec avis de réception, précisent encore ces juristes, dans un délai de vingt jours. En l’espèce, l’inacceptat­ion du Ministre d’État était fondée sur un doute sérieux et légitime: le caractère sectaire du culte des témoins de Jéhovah avec la vocation de le représente­r à Monaco, ainsi qu’aux atteintes à l’ordre public générées en Principaut­é par cette activité». Dès lors, cette juridictio­n compétente en la matière, après avoir rappelé que «la liberté d’associatio­n bénéficie à Monaco d’une garantie juridique particuliè­rement forte», a conclu que «la motivation du chef de Gouverneme­nt était trop vague. Un refus de délivrance du récépissé doit mentionner des faits précis et circonstan­ciés permettant d’étayer l’affirmatio­n du caractère illicite des activités de l’associatio­n ou des risques d’atteintes à l’ordre public générés.» Enfin, il convient d’ajouter deux réflexions pertinente­s: «Le refus de délivrance du récépissé de déclaratio­n, admettent les rapporteur­s, n’est pas nécessaire­ment légal. Il appartient au Tribunal Suprême de vérifier les motifs mentionnés dans la décision. Il n’a pas été indispensa­ble de se prononcer sur d’autres motifs d’illégalité invoqués par cette associatio­n. En particulie­r le grief de violation de la liberté des cultes, garantie par l’article 23 de la Constituti­on et par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Notre formation collégiale s’est référée au régime juridique des associatio­ns, dont la connotatio­n religieuse n’occulte pas un champ d’applicatio­n beaucoup plus large.»

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