Les Témoins de Jehova peuvent se constituer en association
Le Tribunal Suprême a annulé la décision administrative par laquelle le Ministre d’État avait refusé de délivrer le récépissé de déclaration de l’association monégasque pour le culte des témoins de Jéhovah.» Les mots du délibéré lu par le président Didier Linotte, en dehors de toute doctrine théocratique, apportent un précieux éclairage sur la confirmation de la liberté d’association à Monaco. La juridiction supérieure de la Principauté conforte ainsi dans ses prérogatives les «restaurationnistes d’un véritable christianisme» avec, d’une part, l’article 30 de la Constitution monégasque où «la liberté d’association est garantie dans le cadre des lois qui la réglementent». Puis, d’autre part, avec le texte n°1.355 du 23 décembre 2008 où « toute association peut se constituer librement, sans autorisation administrative préalable, et même sans être obligée de déclarer son existence à l’administration». Cependant, la loi monégasque prévoit, comme dans bien de pays, que ces groupements, soucieux de se doter d’une personnalité morale afin de posséder des biens ou d’employer du personnel, doivent déposer une déclaration à cet effet. «C’est à ce stade, ont souligné les hauts magistrats de la juridiction constitutionnelle, que le Ministre d’État délivre le fameux récépissé de déclaration. Un document nécessaire à l’existence de la personnalité juridique souhaitée. Ce dispositif permet également à l’administration de connaître les organisations les plus importantes et de veiller à ce qu’elles n’aient aucune activité illicite. Comme de type sectaire, entre autres, défini par l’article 6 de la loi n°1.355, ou susceptibles de compromettre l’ordre public.» Bien qu’il s’agisse d’une simple déclaration, l’article suivant permet au responsable de l’action gouvernementale de refuser toutefois ce récépissé. Mais à condition qu’il soit «motivé et notifié au déclarant par lettre recommandée avec avis de réception, précisent encore ces juristes, dans un délai de vingt jours. En l’espèce, l’inacceptation du Ministre d’État était fondée sur un doute sérieux et légitime: le caractère sectaire du culte des témoins de Jéhovah avec la vocation de le représenter à Monaco, ainsi qu’aux atteintes à l’ordre public générées en Principauté par cette activité». Dès lors, cette juridiction compétente en la matière, après avoir rappelé que «la liberté d’association bénéficie à Monaco d’une garantie juridique particulièrement forte», a conclu que «la motivation du chef de Gouvernement était trop vague. Un refus de délivrance du récépissé doit mentionner des faits précis et circonstanciés permettant d’étayer l’affirmation du caractère illicite des activités de l’association ou des risques d’atteintes à l’ordre public générés.» Enfin, il convient d’ajouter deux réflexions pertinentes: «Le refus de délivrance du récépissé de déclaration, admettent les rapporteurs, n’est pas nécessairement légal. Il appartient au Tribunal Suprême de vérifier les motifs mentionnés dans la décision. Il n’a pas été indispensable de se prononcer sur d’autres motifs d’illégalité invoqués par cette association. En particulier le grief de violation de la liberté des cultes, garantie par l’article 23 de la Constitution et par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Notre formation collégiale s’est référée au régime juridique des associations, dont la connotation religieuse n’occulte pas un champ d’application beaucoup plus large.»