Noyade à Pampelonne : la philosophe a voulu secourir deux enfants
Vendredi en fin d’après-midi, à Ramatuelle (Var), on apprenait qu’une personne était morte noyée dans le secteur du boulevard Patch. Hier, on a découvert son identité et les circonstances de son décès. Il s’agissait de la philosophe et psychanalyste parisienne Anne Dufourmantelle, âgée de 53 ans. Le temps était défavorable ce jour-là. Un fort vent d’Est soufflait, créant une houle importante en mer. Le drapeau orange avait été hissé, signifiant que la baignade était « fortement déconseillée ».
Au secours des enfants
Hélas, deux enfants ont outrepassé cette interdiction ou ne l’ont simplement pas vue, et se sont jetés à l’eau. De son côté, Anne Dufourmantelle était tranquillement installée sur la plage. Mais regardant plus attentivement les mouvements en mer, elle a aperçu les deux enfants en difficulté. N’écoutant que son courage, elle s’est lancée à son tour. C’est environ à 50 mètres du rivage qu’elle a connu ellemême une situation rendue périlleuse par le mouvement important des vagues. Prise de suffocation, sans doute en tentant de lutter contre la houle, la philosophe s’est trouvée en grande détresse. Secourue, elle a été rapidement prise en charge, ainsi que les enfants, par les CRS maîtres-nageurs sauveteurs de Pampelonne qui ont donné l’alerte et engagé une intervention, avant l’arrivée des sapeurs-pompiers et médecins du SMUR. La mer était tellement mauvaise que même les CRS ont inhalé de fortes quantités d’eau et l’un d’eux a dû être hospitalisé. Si les enfants, bien que secoués, étaient sains et saufs, la situation s’est montrée bien plus préoccupante pour Anne Dufourmantelle, car la tentative de réanimation cardio-pulmonaire, administrée pendant une quarantaine de minutes, a échoué. Le médecin du SMUR n’a pu que constater son décès. Hier, de nombreux écrivains, philosophes et journalistes lui ont rendu hommage, notamment sur Twitter, comme Tatiana de Rosnay (« morte tragiquement en voulant sauver des enfants ») ou Mouloud Akkouche : « Une grande intellectuelle fouillant l’intime et son époque disparaît. Ses interrogations, doutes, conviction, etc., restent avec ses livres. » De son côté, le philosophe Raphaël Enthoven parle de « tristesse et stupeur d’apprendre la mort de la philosophe et psychanalyste qui parlait si bien des rêves ». Anne Dufourmantelle avait écrit de nombreux ouvrages comme L’intelligence du rêve et L’éloge du risque. Chroniqueuse au journal Libération, la rédaction parle de« douceur » en évoquant celle qui était devenue « une amie ». Elle cite la princesse Charlotte Casiraghi qui l’avait côtoyée aux Rencontres de Monaco :« Secrète et poétique, elle créait un espace où les morts avaient la puissance et la texture incantatoire du rêve, pour saisir les variations les plus informes de la vie sensible. » Libération rappelle qu’Anne Dufourmantelle questionnait le rapport entre la fatalité et la liberté et leur avait confié en 2015 : «Quand il y a réellement un danger auquel il faut faire face, il y a une incitation à l’action très forte, au dévouement, au surpassement de soi. » Son courage lui a coûté la vie.