Odon : couleurs et murmures

Lorsque Man Ray s’invite chez la sculptrice Odette Maugendre et le peintre Jean-Gabriel Domergue, dans la somptueuse villa du même nom, cela donne une exposition des plus singulières. Un événement qui a pu voir le jour grâce au prêt, notamment, de la Galerie 19002000 à Paris, dirigée par Marcel Fleiss, ami de toujours d’Emmanuel Rudnitsky alias Man Ray. Mais aussi ceux de la galerie Chave à Vence et du photographe Jean Ferrero. « Très prisées par de riches New-Yorkais, les oeuvres de Man Ray sont devenues introuvables en France », dixit Frédéric Ballester, directeur du centre d’art la Malmaison. D’où le caractère d’autant plus exceptionnel de cet événement, articulé autour de la rencontre du dadaïsme, incarné par l’artiste new-yorkais, avec le classicisme mondain-décadent des époux Domergue. On y croise

Joséphine Baker déployant sa célèbre silhouette sur des toiles grand format, des beautés des années 20, cheveux lissés, immortalisées sur la pellicule et sublimées encore par des tirages argentiques, ou encore des rayogrammes, témoins des nombreuses analyses graphiques et autres expérimentations métaphysiques de ce fou génial, bourré d’humour à la Woody Allen, qu’était Man Ray. Des oeuvres flirtant avec le film de genre et l’art érotique, et témoignant avant toute chose de la liberté éthique et esthétique de Man Ray, anarchiste engagé contre toutes les formes de système. Pas si éloigné finalement de la liberté de moeurs que s’accordait JeanGabriel Domergue, grand amoureux du corps féminin et dont les tableaux vénitiens agrémentés de masques sur feuille d’or, restaurés à grand frais, diffusent une brume sulfureuse.Tout comme les visages féminins, sculptés par Odette, à proximité de leur jardin fabuleux. De quoi faire se sentir chez lui le protéiforme Man Ray. L. L.

Villa Domergue à Cannes. Jusqu’au 24 septembre. Tous les jours de 11 h à 19 h. Tarifs : de 3 à 6 Rens. 04.97.06.45.21.