La réforme en profondeur de Macron
Les ordonnances sur la réforme du Code du travail, présentées hier par le gouvernement, font la part belle aux petites et moyennes entreprises. Les syndicats seront, en revanche, fragilisés
Emmanuel Macron saura très vite, dès les manifestations prévues les 12 et 23 septembre, si la France est aussi rétive à la réforme qu’il le redoute. Réformette ou authentique révolution dans l’approche du travail, comme il le prétend? Une chose est sûre, l’exécutif a eu la main ferme au moment de lancer ses ordonnances. La consultation a certes accouché de quelques mesures ménageant la chèvre et le chou, comme le plafonnement des indemnités patronales couplé à une hausse de ces dernières. Mais, dans l’ensemble, le gouvernement a solidement campé sur des positions défendues depuis la présidentielle. Si Edouard Philippe a vanté une démarche «ambitieuse, équilibrée et juste », la flexi-sécurité à la sauce Macron entérine la primauté de la flexibilité sur la sécurité. C’est, au fond, une resucée de la loi El Khomri dans sa version initiale. De quoi satisfaire le syndicat le plus modéré, le patronat et la très grande majorité des Républicains ; laisser entre deux eaux des socialistes qui avaient déjà brûlé leurs vaisseaux dans les atermoiements de la loi El Khomri ; et pousser à la révolte les insoumis comme les frontistes, qui espèrent bien capitaliser sur la colère sociale. Rien que de très convenu.
Des syndicats affaiblis
Globalement, les mesures annoncées font la part belle aux PME : plafonnement des indemnités prud’homales (trois mois de salaire jusqu’à deux ans d’ancienneté, vingt mois maximum au-delà de trente ans), le délai de recours étant réduit à un an au lieu de deux pour tous les types de licenciement, possibilité de passer outre les syndicats pour négocier avec un délégué du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, voire avec de simples employés dans celles de moins de vingt… « Pour la première fois, une réforme du Code du travail donne la priorité aux TPE et PME », a clairement revendiqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, rejointe par le président de la Confédération des PME, François Asselin, qui a salué « des mesures particulièrement pragmatiques ». A ses yeux, «la réforme n’enlève rien à l’équilibre de la sécurité dont ont besoin les salariés et en même temps elle va générer la confiance dont ont besoin les chefs d’entreprise pour entreprendre dans notre pays ». A contrario, le nouveau Code du travail enfonce un coin dans la mainmise des syndicats. «Le développement massif du dialogue social dans l’entreprise », célébré par Edouard Philippe, se fera en bonne partie à leur détriment. Même s’ils ont obtenu que les branches restent prédominantes dans la définition de caractéristiques des CDD, les ordonnances confieront par exemple aux entreprises la possibilité de négocier le niveau des primes. Reste une question en suspens, la seule qui vaille pardelà les chicayas liés aux intérêts de chacun : ces ordonnances tordront-elles un tant soit peu le cou au chômage ? Il faudra faire preuve d’un soupçon de patience pour le savoir. Et, dans l’immédiat, laisser à Emmanuel Macron le temps d’engranger des résultats. A moins que la rue n’en décide autrement ces prochaines semaines.