Eric Ciotti: «Le président sera libre et indépendant»
Non-cumul des mandats oblige, le patron du Département va céder son fauteuil à Charles-Ange Ginésy. Redevenu simple conseiller départemental, il présidera toutefois le groupe de la majorité
Le 18 décembre 2008, Eric Ciotti devenait président du conseil général des Alpes-Maritimes. Christian Estrosi venait d’en faire son successeur. Aujourd’hui frappé par la loi sur le non-cumul des mandats, il a choisi de rester député et dirigera ce matin sa dernière « plénière » à la tête du Département, avant de passer la main dans quinze jours à son successeur, adoubé hier soir par la majorité départementale, Charles-Ange Ginésy. Eric Ciotti dresse le bilan de neuf années placées sous le sceau de la vertu budgétaire et dessine, par petites touches, son avenir politique.
Quel bilan tirez-vous de ces presque neuf années passées à la tête du Département ? Le Département est, comme la commune, une collectivité qui a une histoire. Ce couple-là a été moteur pour la République. Cette collectivité n’est pas artificielle. Notre Département bénéficie d’un véritable patriotisme local de la part des Azuréens. Le Département est une collectivité enthousiasmante, où l’on peut imaginer et construire de multiples projets. La solidarité humaine y prédomine désormais. Elle nous permet d’aider plusieurs dizaines de milliers de personnes touchées par la maladie, la dépendance, le handicap, l’exclusion sociale, la maltraitance pour les enfants. Ce sont des missions essentielles et nobles. Chaque personne à laquelle on a pu apporter une aide a représenté pour moi une satisfaction profonde. Et puis le Département, c’est aussi la solidarité territoriale, c’est-à-dire que Lieuche représente autant que Nice, qu’un village est l’égal d’une ville.
Concrètement, que faudra-t-il retenir des années Ciotti à la tête des Alpes-Maritimes ? Dès que j’ai été élu, je me suis trouvé confronté à des difficultés majeures : la crise financière de a abouti à une baisse brutale de nos recettes de millions d’euros pour ma première année de gestion. Nous avons aussi dû faire face au risque d’effondrement d’un tiers du centre administratif et aux terribles avalanches de décembre . C’étaient sans doute des signaux pour me dire qu’il fallait s’attaquer avec détermination et courage à mettre en place une nouvelle gestion, plus économe de l’argent public. J’ai conduit une politique de transformation de notre collectivité, c’est ma fierté. Si nous n’avions pas mis en place cette nouvelle politique, au prix d’économies de fonctionnement très importantes, notre collectivité n’aurait plus aujourd’hui aucune marge de manoeuvre, asphyxiée qu’elle serait par l’endettement. Nos efforts ont permis de réaliser plus de millions d’économies de fonctionnement par an. Malgré les difficultés, nous avons réussi à tenir deux objectifs : aucune augmentation de la fiscalité depuis et un désendettement massif de millions d’euros, engagé depuis trois ans. Dans le même temps, l’investissement a été maintenu à un haut niveau et les missions de solidarité humaine et territoriale ont été poursuivies. Des regrets ? Des chantiers que vous n’avez pu faire aboutir ? Dans le domaine du handicap, nous avons ouvert places pour accueillir des adultes handicapés, soit presque % de plus que ce qui existait. Mais ça demeure largement insuffisant pour satisfaire les légitimes attentes des familles. Je suis révolté quand on doit financer des placements de personnes handicapées azuréennes en Belgique, alors que l’Etat refuse de donner des autorisations d’ouverture pour des établissements que nous serions prêts à financer dans les AlpesMaritimes. Au chapitre des regrets, je déplore aussi que le gouvernement socialiste ait abrogé ma loi sur l’absentéisme scolaire et, du même coup, les contrats de responsabilité parentale, qui nous avaient permis en quelques mois d’aider plus de cinq cents familles et de sortir des enfants des pièges de la rue. Par aveuglement idéologique, les socialistes ont supprimé cette loi et tout son volet social, qui était de loin le plus important même si c’est celui dont on a le moins parlé.
Les conseils départementaux paraissent promis à disparaître à plus ou moins brève échéance... Le Département est regardé par quelques technocrates parisiens comme une collectivité du passé. Les hiérarques qui nous dirigent détestent la France de la ruralité. Je crois pourtant que son enracinement dans l’histoire et le Eric Ciotti, mois à la tête du Département.
territoire devraient en faire une collectivité de la modernité. Pour moi, être moderne, c’est d’abord disposer de racines solides pour mieux bâtir l’avenir. Sans le Département, beaucoup de communes auraient disparu. Et le danger qui perce, c’est d’aboutir en supprimant le Département à faire disparaître les communes. Si le domino Département tombe, dix ans plus tard il n’y aura plus de communes. Et ce sera un drame pour notre pays.
Quelles devront être à vos yeux les priorités de votre successeur ? Il sera soumis à une contrainte financière de plus en plus forte. En , notre dotation globale de fonctionnement a baissé de millions par rapport à celle perçue en . Les contraintes imposées par l’Etat, que ce soit la baisse des prélèvements ou la non-compensation des prestations que nous versons, s’élèvent sur la durée de mon mandat à plus d’un milliard et demi d’euros. On peut dire que l’Etat fait les poches des collectivités. Imaginez ce que nous aurions pu faire en plus avec une telle somme au service de notre territoire. Mon successeur devra donc veiller à assurer la pérennité d’un Département garant des équilibres territoriaux auxquels tous les maires du sont viscéralement attachés.
Et votre successeur sera… J’ai réuni (hier soir, ndlr) le groupe de la majorité départementale, que je continuerai à présider et qui fixera la ligne politique. J’ai proposé que ce soit Charles-Ange Ginésy, mon vice-président, qui me succède et cette proposition a été approuvée.
Quel rôle continuerez-vous à jouer au Département. Serezvous à Charles-Ange Ginésy ce que Christian Estrosi fut à Philippe Pradal un an durant à Nice, à savoir le vrai patron ? Charles-Ange Ginésy connaît mon amitié et je sais sa loyauté. Cela fait dix ans que l’on travaille ensemble, trente ans que l’on se connaît. Nous avions des bureaux communs à l’Assemblée nationale où nous échangions en permanence. Nous partageons une même analyse des équilibres territoriaux des Alpes-Maritimes et les mêmes convictions, celles d’une droite républicaine qui n’a pas honte d’être elle-même et ne se soumet pas aux effets de mode ou aux aléas électoraux et médiatiques. Pour ma part, je siégerai au coeur de l’hémicycle, pour signifier clairement que le président sera libre et indépendant. Votre avenir politique passe désormais par la conquête de la mairie de Nice ? Je suis député de Nice, le seul de droite qui n’a pas été élu avec le soutien d’En marche ! Cela me donne la responsabilité de représenter Nice à l’Assemblée, mais aussi les centaines de milliers d’électeurs de droite qui veulent faire entendre leur voix face à un pouvoir de plus en plus incohérent. Je suis profondément niçois, j’aime ma ville et je la servirai dans l’avenir de toutes mes forces pour lui donner le meilleur. Mais nous ne sommes pas encore dans le temps des municipales. Je regrette cette période, d’abord parce que j’aimerais bien avoir neuf ans de moins ! (Il réfléchit longuement et pèse ses mots…) Nous partagions alors avec Christian une vraie amitié et les mêmes valeurs. Pour ma part, je n’ai pas changé.
Les Républicains ont-ils encore un avenir sous leur forme actuelle ? Je vais vous surprendre et cela ne relève pas de la méthode Coué, mais je suis très optimiste sur l’avenir des Républicains. Je prends le pari que nous serons en tête des européennes de et que nous gagnerons largement les municipales en . Nous allons redevenir la première formation de notre pays. Je suis convaincu que Laurent Wauquiez sera élu président des Républicains en décembre. Je le soutiens activement, nous partageons la même ligne politique. Il aura la capacité de porter enfin le projet d’une droite qui assume ses valeurs, qui défend la Nation, qui incarne une certaine identité de la France et de sa civilisation. Je sais par ailleurs qu’il aura le souci de rassembler notre famille. On nous annonçait en juin la mort des Républicains. Quelques professionnels de la trahison se sont mis en marche. Leur entreprise est mort-née. Les Républicains sont toujours debout et face à la Berezina qui frappe le pouvoir en quelques mois, les Français vont se tourner vers nous, d’autant plus que Mme Le Pen et le FN ont démontré leur incompétence et leur totale incapacité à représenter une possible alternance. La ligne que je défends avec Laurent Wauquiez est claire : jamais la moindre alliance avec le Front national, mais jamais non plus la moindre compromission avec le pouvoir actuel. Soyons nousmêmes, fiers d’être de droite pour mieux protéger les Français contre l’insécurité et le terrorisme islamiste, mieux nous prémunir d’un flux migratoire incontrôlé, mieux préserver notre Nation d’une vision d’un monde sans identité ni histoire.