Une soirée caritative en faveur des réfugiés
Didier Super, Guillaume Meurice et Frédéric Fromet se sont produits sous le chapiteau de Breil, samedi, dans le cadre d’une soirée caritative dont les fonds seront reversés à l’aide aux migrants
Je suis Breilloise pure souche, et je peux vous dire qu’il est rare qu’on soit aussi nombreux sous le chapiteau ! » Et pour cause, le spectacle organisé samedi par l’Association pour le maintien des alternatives en matière de culture et de création artistique (Amacca) de la Roya se tient à guichet fermé. 500 places. Pas une de plus, pas une de moins. Juste ce qu’il faut pour constituer un public résolument soudé dans l’envie de rire à un humour grinçant. Tout en soutenant les associations d’aide aux migrants, l’intégralité des recettes leur revenant. Les trois artistes programmés viennent eux-mêmes bénévolement – mais peu enclins à y aller avec le dos de la cuillère.
Humour « corrosif »
Nathalie Masseglia, gilet orange des organisateurs sur le dos, engage les hostilités. Donnant d’emblée le ton d’une soirée résolument anticonformiste. «Merci à notre ministre de l’Intérieur, M. Collomb, grâce à qui nous sommes devenus des experts en organisation culturelle dans une zone transfrontalière. Merci, aussi, au préfet… pour avoir autorisé le débit de boisson. Ainsi qu’à Eric Ciotti, encore président du Département, qui finance l’Amacca à hauteur de 500€ par an. Et aux conseillers municipaux présents. Votre carrière politique est désormais terminée… » Vous avez dit caustique ? Comme c’est caustique. Le premier artiste à faire irruption sur les planches, Didier Super, dirait plus volontiers « cor rosif ». Du moins après avoir sorti un rouleau de scotch en vue d’en faire une sangle pour sa guitare, et éjecté un photographe un peu trop proche de lui. Après avoir, également, pesté contre une « organisation de gauche ». Car chez
Didier Super, habitué de Breil pour y avoir déjà tourné plusieurs vidéos, on n’hésite pas à jouer la tête à claques. Prête à couper les têtes. Toutes les têtes. Religion, politique, physique, profession, origine, personne n’y échappe. Pas même Cédric Herrou, devenu progressivement l’emblème de l’aide aux migrants dans la Roya. « Je voudrais le remercier de s’être mis dans la merde jusqu’au cou. Sans quoi nous ne serions pas tous
réunis pour cette petite fête. » Pas même les réfugiés eux-mêmes. Auxquels il dédie une chanson, toujours aussi (délibérément) odieuse. À coup de « Moi si j’étais migrant, j’essaierais de moins faire la gueule (...) C’est grâce aux migrants qu’au FN on s’en branle un peu moins des SDF ». Pas de quoi faire bondir le public pour autant. Qui, bien au contraire, reprendrait bien une louche de millième degré. Par chance, voilà l’animateur
Guillaume Meurice qui prend le relais. Venu, assure-t-il, non pas en tant qu’humoriste, mais comme… conseiller. Au CV particulièrement nourri. Tous les hommes (et femmes) politiques du moment ayant vraisemblablement eu recours à ses services. Et parmi ses clients, un certain… Cedric Herrou. Qui, une fois encore, ne s’en tirera pas indemne. «Je l’ai dépanné au niveau vestimentaire. Je me suis occupé de son look », tacle Guillaume Meurice. Qui l’avait cela dit soutenu – avec toute l’équipe de l’émission Si tu écoutes j’annule tout – à l’aune de son procès. Et d’apostropher le public : « Nous sommes le pays de l’amour. Mais de quoi avez-vous besoin d’autre ? Je ferai remonter au ministère» . Les réponses ne tardent pas à fuser. «Liberté!» «Pas de souci, je t’en mets deux cartons. Tu veux de l’espoir avec ? » Viennent la sacrosainte « égalité », ainsi que la « fraternité », ou encore le « respect » et l’« abolition des frontières ». Aucun des spectateurs ne cachant véritablement la raison de sa venue sous le chapiteau de Breil: allier bon moment et soutien à une cause, préoccupante sur le secteur.
Tout, tout pour ma Syrie
Pour ceux qui auraient souhaité souffler un peu entre deux blagues assassines, l’arrivée du chansonnier Frédéric Fromet sur scène n’est pas franchement synonyme de délivrance. Ce dernier affichant un soutien indéfectible à Bachar elAssad « qui fait beaucoup pour son pays… et notamment pour la natation ». Et d’entonner « Tout, tout, pour ma Syrie, ma Syrie… », un morceau chanté la première fois en 2015 sur France Inter. Face au succès de la manifestation, certains rêvent désormais de voir les choses en (plus) grand. À l’instar du secrétaire départemental des écologistes, Laurent Lanquar, qui souhaiterait que « les autorités mettent le Palais Nikaia à disposition des associations locales qui font preuve d’humanité ». Du côté de l’organisation, on rappelle à toutes fins utiles que « ce n’est pas parce qu’on récolte fonds que l’on est responsable de la situation… »