Associations et collectivités dans l’expectative
À chaque renouvellement, la même réponse : « Impossible, nous n’avons plus de crédits »
Un contrat aidé, c’est quoi ? Déjà, c’est un vieux dispositif. Il date des années quatre-vingt, à l’initiative de Laurent Fabius, et a, bien sûr, subi depuis, de nombreuses évolutions. En fait, il n’y a pas qu’un seul type de contrats aidés, mais plusieurs. Ils s’adressent aux personnes rencontrant des difficultés d’insertion, aux demandeurs d’emplois peu ou pas diplômés, aux jeunes, ou aux chômeurs de longue durée, souvent les « seniors ». Quant à son fonctionnement, en clair et pour faire simple, c’est un contrat de travail dérogatoire au droit commun, pour lequel l’employeur bénéficie d’aides. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions à l’embauche, d’exonérations de certaines cotisations sociales, d’aides à la formation, selon la définition de l’Insee. Mais, au fil du temps, ce dispositif est devenu un maillon essentiel du fonctionnement dans les écoles, les hôpitaux, les collectivités territoriales. Mais surtout dans le monde associatif qui, avec cette diminution, se trouve pris à la gorge. Comment continuer à embaucher ? Comment continuer à fonctionner sans ce type d’emplois ? Un vrai casse-tête pour certains, un arrêt de mort signé pour d’autres...
« On ne peut débourser pour contrats »
A Nice, l’association ADAM (aide aux devoirs et animation des Moulins) ne cache pas son désarroi. Karim Benhamed, son directeur, pourtant en vacances, passe ses journées à essayer de trouver une solution. ADAM avait trois contrats aidés. Pour le premier, il arrive à terme et l’association a joué son rôle, la jeune fille part en formation. Pour le deuxième, c’est presque pareil : l’association a réussi à pérenniser son emploi, la jeune fille bénéficie, depuis peu, d’un contrat de droit commun. Pour la troisième employée, « on avait, heureusement, envoyé la demande de renouvellement, avant l’annonce du gouvernement», précise Karim Benhamed. Mais, du coup, l’association des Moulins aurait besoin de deux nouveaux contrats aidés pour mener à bien ses missions. « Nous en sommes au 3e mail de Pole Emploi qui stipule que les enveloppes budgétaires sont arrivées à terme et qu’il n’y a plus de crédits », se désole le directeur. Alors, Karim Benhamed insiste et renvoie régulièrement les fiches de demande : «On ne sait jamais s’il y a une modification de la décision gouvernementale ». Pugnace, même s’il n’y croit pas trop... [lire notre encadré en page suivante]
Embaucher deux personnes est impossible pour ADAM. « Un contrat d’avenir est financé à hauteur de 900 € sur un smic », affirme-t-il. L’association met le supplément.
« On ne peut pas payer 1800 € de plus par mois pour les deux contrats s’ils ne sont plus “aidés”. D’autant, qu’en plus, on a toujours la menace des baisses de subventions ». Comme d’autres présidents d’association, le directeur d’ADAM aurait souhaité qu’il y ait une concertation avec le gouvernement. « Tout le monde utilise ce dispositif, associations, Éducation nationale, collectivités. Certains n’ont pas joué le jeu et seulement utilisé ces contrats qui sont ensuite retournés au Pole Emploi, alors que c’est un temps partagé : j’utilise mais derrière je rends service. On aurait dû se mettre autour d’une table et tout remettre à plat plutôt que supprimer . »
La Banque alimentaire exsangue en ?
A la Banque alimentaire des AlpesMaritimes, on attend la suite des événements. « La décision du gouvernement va avoir des conséquences directes sur nos missions quotidiennes », s’alarme un porte-parole. L’antenne départementale emploie cinq personnes, dont trois contrats aidés. Deux d’entre eux finissent l’un à la fin de l’année, l’autre en 2018. D’ici là, les robinets seront peut-être rouverts, espèrent l’association qui, en 2016, a distribué dans les Alpes-Maritimes l’équivalent de 3 250 000 repas à 33 000 bénéficiaires via une centaine d’associations et de CCAS partenaires. « Sans notre action, ces personnes n’auront plus accès à l’aide alimentaire sur le territoire », écrit le président. Mais ce ne sera pas la seule conséquence : « Le non-renouvellement des contrats en cours pénalise gravement
entrés dans leurs une titulaires, démarche qui d’insertion,étaient démarche notammentqui ne va des pas formations, pouvoir être Juliette menée Chesnel-Lerouxà son terme et». Fabrice Decoupigny, élus EELV à la ville de Nice, ont décidé de prendre ce dossier à bras-le-corps. « Le coup porté en particulier au monde associatif est dur », disent-ils en choeur. « L’État français a pris l’habitude de transférer ses missions de services publics aux associations qui pour beaucoup assurent de vraies missions régaliennes », lâche Decoupigny. Qui voit plus loin : « Derrière le problème des contrats aidés, il y a le grand débat sur l’économie sociale et solidaire. » Sans oublier l’aspect écologique.
Quid de ces associations qui distribuent la nourriture non vendue dans les supermarchés ? « Elle sera jetée et ça va impacter encore plus cette population qui n’a pas les moyens de se nourrir », se désole Juliette Chesnel-Leroux. Et tous deux de s’interroger sur la manière. Comment le gouvernement choisit-il le contrat qui doit être poursuivi, lequel doit être arrêté ? « Nous espérons que ce soit fait intelligemment, qu’ils regarderont si la mission de l’association a bien une efficacité sociale. Ils devraient faire du cas par cas. Le service social, solidaire rendu à la personne doit être pris en compte ». Le 1er septembre, au niveau national, les écologistes ont déposé un recours au Conseil d’Etat contre le gel des contrats aidés.
Le local, situé rue Dabray à Nice, est petit. Petit, mais accueillant. Il a, surtout, une vraie mission sociale. A l’épicerie solidaire d’A la croisée des besoins ,on vient pour remplir son frigo. Mais pas seulement... Cette association distille aussi réconfort à des familles qui, sans elle, aurait le ventre vide et le coeur gros. Sauf que François Desplanques, son président, qui d’habitude a toujours le sourire, est un peu moins serein depuis quelques jours. Plus du tout même. «J’ai peur de devoir fermer la porte rapidement... et ne plus jamais pouvoir la rouvrir », souffle-t-il.
« C’était notre chauffeur notre chef d’équipe»
Sur ses trois contrats aidés, qui lui permettent de faire tourner la boutique, il ne lui en reste plus qu’un seul. Et peut-être pas pour longtemps. Le premier contrat aidé s’est arrêté, faute de budget, à la mi-août. Le deuxième ? « Il devrait être renouvelé en octobre et je crains qu’il ne me fasse la même réponse que pour le premier : plus de crédit ». Un coup dur. « C’était un poste stratégique. Ndiaye, c’était notre chauffeur, c’est lui qui allait chercher la nourriture à la Banque alimentaire, c’était aussi notre chef d’équipe. Il coordonnait les bénévoles. Un maillon clé de l’association. En attendant qu’il retrouve du travail, il a accepté de rester et d’être bénévole. Mais jusqu’à quand ? », détaille François Desplanques. Les deux employés ont tous les deux plus de 50 ans.
Plus de foyers en grande précarité, nourris
L’épicerie s’occupe de plus de quatre cents foyers. Des gens en grande précarité qui ont été aiguillés vers elle par une assistance sociale. « On a beaucoup plus de demandes que de bénéficiaires », constate François Desplanques. Sa petite boutique solidaire est ouverte le mardi, le jeudi et le samedi de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures. Il hausse les épaules : « C’est un vrai casse-tête pour nous. J’ai tellement peur que ce soit la mort de notre association». Pour autant, le militant associatif reste combatif : « J’ai écrit à notre député En marche !, Cédric Roussel, mais je n’ai pas
encore eu sa réponse. J’ai prévenu la Banque alimentaire. Et j’ai convoqué mon conseil d’administration pour que l’on essaie collectivement de trouver une solution. » A la Croisée des besoins essaie aussi de se rapprocher d’une autre association
Accompagnement, Lieux d’accueil - Carrefour éducatif & social. « Elle est plus solide que la nôtre, mais ce n’est pas du tout certain que cela se fasse. Et si oui, de toute façon, cela prendra du temps », soupiret-il. Du temps, il n’en a pas. Octobre, c’est demain...
Épicerie solidaire “A la croisée des besoins” : « On risque de mettre la clé sous la porte ! »