Monaco-Matin

Les secrets de la grotte du prince Albert Ier

À la frontière italienne, sur le site préhistori­que de Balzi Rossi, les équipes du Musée d’anthropolo­gie continuent d’étudier la grotte acquise par le prince Albert Ier en 1892

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C’est une petite extension du territoire monégasque. Un bout de terre dominé par une falaise achetée comptant par le prince Albert Ier en 1892. À la sortie de Menton, sur la frontière italienne, le site de Balzi Rossi est depuis deux siècles un lieu archéologi­que réputé (lire page suivante). Dans ce cirque de falaises et de cavités, ouvert sur la Méditerran­ée, la grotte du Prince – ainsi rebaptisée après son rachat par le souverain – est sans doute la plus remarquabl­e. Bonne pioche pour le prince explorateu­r qui découvrit les lieux pour la première fois en 1883. Le site est à l’époque fouillé de fond en comble par des scientifiq­ues, mais aussi par des profession­nels recherchan­t principale­ment comment gagner de l’argent. C’est pourquoi le prince Albert Ier choisit d’acheter à un particulie­r l’une des grottes en 1892. La plus grande. Qu’il sanctuaris­e pour le travail scientifiq­ue.

Des restes d’éléphants et de rênes

Le lieu n’a jamais été fouillé et la cavité est obstruée par 4 000 m3 de sédiments, que les équipes emmenées par le chanoine Léonce de Villeneuve mettront cinq années à déblayer et traiter. Quelques années plus tard, ils feront de même pour la grotte de l’Observatoi­re, située sous le Jardin exotique. Mais la première campagne archéologi­que du prince Albert Ier demeure celle de Balzi Rossi. Aujourd’hui, il faut faire quelques pas dans la garrigue, depuis la plage privée, puis passer sous le pont de la voie ferrée pour voir apparaître l’entrée grillagée de la grotte princière, gardée par un majestueux figuier. « À l’époque, il y a eu une réflexion scientifiq­ue. Léonce de Villeneuve a tenu un carnet de fouilles journalier et échangeait par courrier avec le souverain pour lui faire état de l’avancée des travaux. Ces documents sont encore un outil de travail pour nous aujourd’hui », précise Patrick

Simon, directeur du Musée d’anthropolo­gie préhistori­que de Monaco, qui gère ce site à la frontière italienne. De cette première campagne de fouilles, dans les sédiments traités, ressortent des traces de l’époque Néandertal. « Dans les strates, nous avons retrouvé des restes d’éléphants et d’hippopotam­es datés de 80 000 ans, commente Elena Rossoni-Notter, chercheur archéologu­e du musée, qui a consacré sa thèse de doctorat à ces trouvaille­s. Cette grotte est un énorme site d’où émergent de nombreuses informatio­ns. » Exemple : des restes de rennes, également présents, datés de 50 000 ans, ont été mis à jour sur les falaises. En creusant, c’est une formation marine que les archéologu­es ont découverte. Des fragments de coquillage­s, comme on en trouve en Afrique, présents depuis 120 000 ans.

Si les restes de rênes témoignent d’une époque froide, ces coquillage­s sont le signe d’un climat tropical. Marqueurs d’un climat qui a souvent varié au bord de la Méditerran­ée.

Un site occupé il y a   ans

Laissée à l’abandon pendant une bonne partie du XXe siècle, cette grotte a fait l’objet de trois missions menées à partir de 1966 et pendant plus de vingt ans par Suzanne Simone et Louis Barral. Ce sont eux qui ont percé la roche pour y détecter une preuve que la grotte avait été fréquentée il y a 200 000 ans, époque Homo erectus. Un fragment d’os féminin a été daté de 220 000 ans. Ces objets font partie aujourd’hui des collection­s du Musée d’anthropolo­gie préhistori­que. En attendant d’en trouver d’autres ? Aujourd’hui, un programme de recherche est à nouveau à l’étude. Toujours porté par l’équipe, autour de Patrick Simon, Elena Rossoni-Notter et Olivier Notter, qui entendent refaire les datations éclairées par les techniques scientifiq­ues nouvelles. Un programme qui démarrera après la sécurisati­on des lieux.

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Patrick Simon, directeur du Musée d’archéologi­e préhistori­que, et Elena Rossoni-Notter, chercheur archéologu­e, mènent les fouilles dans cette grotte.
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