Monaco-Matin

Un à quatre ans pour le réseau cannois de proxénètes

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

C’est un réseau de proxénétis­me « low cost » mais lucratif qui a été condamné hier par le tribunal correction­nel de Grasse présidé par Marc Joando. Des Nigérianes sexuelleme­nt exploitées, contrainte­s à tapiner à Cannes dans d’innommable­s conditions pour rembourser une dette de 20 000 euros contractée dans leur pays. La cérémonie dite du « Juju » avait scellé cette créance à « Bénin city », la mecque du proxénétis­me nigérian, au sud du pays. Un prêtre leur avait prélevé cheveux, poils pubiens, salive et sang qu’il avait ensuite mélangé à de la terre. Un engagement moral et religieux que peu de filles osent briser, sous peine de représaill­es envers la famille restée au pays.

Des conditions d’hébergemen­t ignobles

Si l’affaire a pu aboutir, c’est grâce au courage d’une prostituée qui, le 23 décembre 2015, a poussé la porte du commissari­at de Cannes pour tout déballer. À commencer par les conditions ignobles de son hébergemen­t. Elles étaient jusqu’à huit prostituée­s entassées dans un 40 m2 du boulevard Alexandre-III à Cannes. Un logement loué par le projection­niste d’un cinéma azuréen, Jonathan Pizziolo, 34 ans. Il le souslouait à sa compagne Florence, ex-prostituée nigériane et mère maquerelle. Chaque fille payait au marchand de sommeil proxénète 300 euros, alors que le loyer n’excédait pas 550 euros au total. Dans un autre appartemen­t, dont il était cette fois propriétai­re, l’homme hébergeait également une autre prostituée qui lui réglait 300 euros. «C’était pour la nourriture», se défend-il à la barre. Des photos le montrent convoyant, en train, une Nigériane avec Florence, depuis la frontière de Vintimille. Il réglait à l’occasion les problèmes d’électricit­é, ou de quoi remplir le frigo.

Acheminées comme du bétail

Dans le box, on retrouvait hier surtout la tête de réseau : Kate Monday, 25 ans, Florence Osakpamwan, 31 ans et Peter Imadiyi, 37 ans. Des Nigerians exploitant des Nigérianes. Acheminées comme du bétail depuis leur pays d’origine. Terminus Cannes, pour se prostituer sous un abribus. Les filles devaient tapiner à des prix dérisoires pour rembourser leur dette. Florence contrôlait leur travail, tabassait à l’occasion. Le procureur, Valérie Tallone, a salué le courage de la prostituée qui a dénoncé les faits et décrit une « exploitati­on de la misère humaine ». L’avocate de Jonathan Pizziolo, Me Aurelia GribaldoNa­varro a affirmé que son client était le « dindon de la farce » abusé par sa compagne. Me Jean-Philippe Pazzano, avocat des deux Nigérianes a tenté de démonter le dossier, affirmant que ce réseau n’en était pas un. Le projection­niste, qui comparaiss­ait libre, s’est finalement vu passer les menottes à la barre : un an ferme avec mandat de dépôt et 10 000 euros d’amende. Il échappe à la saisie totale de ses biens requise, c’est une première, par le procureur de la République. Les principaux responsabl­es ont écopé de trois ans ferme, et même quatre ans pour la mère maquerelle, Florence, dite la « Mama ». Tous ont été maintenus en détention.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco