L’Etat islamique défait mais pas éliminé
Dans le Moyen-Orient compliqué, il est bien difficile d’avoir des idées simples. Quelques mois après la victoire des troupes irakiennes sur le groupe Etat islamique (EI) à Mossoul en Irak, la chute, hier en Syrie, de Raqqa, dont l’EI avait fait sa capitale, constitue une nouvelle grande défaite pour les djihadistes de Daesh. Raqqa n’était-elle pas contrôlée par l’EI depuis ! L’issue de ces deux longues batailles signe l’échec de sa stratégie territoriale. Profitant des guerres civiles en Irak et en Syrie, le groupe Etat islamique voulait contrôler un immense espace pris sur ces deux pays pour en faire la base du califat. C’està-dire de ses conquêtes. Il y trouvait en particulier les ressources nécessaires pour atteindre ses objectifs. Cet édifice est en train de s’écrouler. Les Etats occidentaux, dont la France, ne peuvent que s’en réjouir. La coalition qu’ils ont formée avec des pays arabes a joué, en effet, un rôle considérable dans cette reconquête. Pour autant, il serait illusoire de conclure trop vite que les périls venus de ces contrées s’estompent. Le monstre est blessé mais pas mortellement atteint. Car le but ultime de Daesh n’a jamais été la constitution d’un Etat. Ce n’était qu’un objectif en quelque sorte logistique dans un combat beaucoup plus ambitieux : répandre partout dans le monde, et notamment en Europe, l’idéologie de la charia. Cette bataille-là va se poursuivre, adaptée aux moyens plus réduits de l’EI. Le terrorisme dit « low cost » est, par exemple, l’une des terribles armes qui restent à sa disposition. Ce qui rend, d’ailleurs, capital le traitement des djihadistes français qui vont tenter de revenir dans l’Hexagone. Certes Florence Parly, la ministre de la Défense, a souhaité que le plus grand nombre d’entre eux aient péri dans les combats de Raqqa mais, déjà, les femmes de certains, réfugiés dans des camps avec leurs enfants, demandent à revenir dans leur pays d’origine. Evidemment, la vigilance policière et judiciaire devra être extrême. Il serait illusoire également de croire que la chute de Raqqa, après celle de Mossoul, puisse ramener la paix au Proche-Orient. Les Force démocratiques syriennes qui ont repris la ville, faites de milices kurdes et de groupes arabes, sont à présent face aux forces syriennes de Bachar al-Assad, positionnées à quelques kilomètres plus au sud. Or Raqqa fait partie intégrante de la Syrie. Que peut-il se passer ? De la même manière, en Irak, les forces kurdes et irakiennes, hier unies dans la reconquête, sont désormais face à face comme en témoigne la prise de contrôle de Kirkouk lundi par les troupes de Bagdad. La région demeure, de fait, plus dangereuse que jamais. Et les défaites de Daesh ne signifient en rien la fin de la menace terroriste. Baisser la garde est donc impossible.
« Le but ultime de Daesh n’a jamais été la constitution d’un Etat [mais] répandre partout, notamment en Europe, l’idéologie de la charia. »