Un Mentonnais passé de la Légion à la radicalisation
Les cinq hommes interpellés mardi sur la Côte d’Azur, lors d’un coup de filet antiterroriste en France et en Suisse, ont quitté Nice par avion hier. Neuf suspects sont toujours en garde à vue
Dernière ligne droite. Après le vaste coup de filet antiterroriste mené mardi en France et en Suisse, neuf des dix suspects interpellés arrivent au terme de leur garde à vue. Ils pourraient être déférés d’ici ce soir devant un juge d’instruction à Paris. Parmi eux, cinq hommes interpellés sur la Côte d’Azur : quatre à Menton, un à Roquebrune-Cap-Martin. Deux jeunes fratries et un ex-légionnaire de 65 ans. Tous ont quitté la caserne Auvare et Nice, hier, en deux « vagues » successives, afin de boucler leur audition en région parisienne. Transférés vers l’aéroport Nice Côte d’Azur sous bonne garde, ils ont été évacués à bord d’un avion du ministère de l’Intérieur. Des enquêteurs de la brigade criminelle de la police judiciaire de Nice – notamment la cellule antiterroriste – ont accompagné leurs collègues de la sous-direction antiterroriste (SDAT). Ils ont poursuivi les auditions dans les locaux de la SDAT à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). En la matière, si particulière, les gardes à vue peuvent s’étendre à quatre jours. Voire six, en cas de risque d’attaque imminente. Mais à ce stade des investigations, leur durée maximale ne devrait être « que » de 96 heures. Signe que l’ensemble de cette cellule terroriste aurait bien été démantelé et mis hors d’état de nuire.
Un suspect interné
Dans ce cas, les suspects seront déférés aujourd’hui ou, au plus tard, samedi matin. Ils restent, pour l’heure, présumés innocents. Ils risquent néanmoins une mise en examen dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 19 juillet dernier. Celle-ci devrait viser l’« association de malfaiteurs terroriste criminels » – qualification retenue il y a huit jours lors du procès Merah – et la « provocation directe à la commission d’un acte de terrorisme par un moyen de communication au public en ligne. » Les suspects, âgés de 18 à 65 ans, étaient en relation par le biais de la messagerie cryptée Telegram. Neuf hommes ont été interpellés dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, en SeineSaint-Denis et dans le Val-deMarne, et une femme en Suisse. De source judiciaire, une garde à vue a été levée mercredi. L’état de santé de ce suspect étant jugé incompatible, il a été placé en hospitalisation d’office. A ce stade, rien n’a filtré des auditions dans cette affaire ultra-sensible. Mais le scénario privilégié par les enquêteurs est déjà connu. Les discussions sur Telegram et les écoutes téléphoniques laissent entrevoir un projet d’attaque à la voiture-bélier, puis au couteau, sur un rassemblement de foule.
« Particulièrement dangereux »
La cible, elle, reste un mystère. Si certains médias ont évoqué la piste de Nice, nul élément matériel ne permettrait d’établir que la capitale azuréenne ou une autre ville des Alpes-Maritimes était plus particulièrement visée. Rien, sinon des déductions, au regard du mode d’action « low-cost » envisagé par l’inquiétante cellule. Un groupe manifestement inspiré par le terroriste de Westminster qui a frappé le 22 mars dernier à Londres, voire par le tueur au camion du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais à Nice. Une source proche de l’enquête décrit « des gens particulièrement dangereux, qui pouvaient passer à l’action à tout moment, et qui l’auraient fait un jour ou l’autre à coup sûr ». Les perquisitions n’ont pas permis de saisir ni explosifs, ni arme à feu. Reste qu’une simple voiture pouvait servir « d’arme par destination », avant de laisser place aux armes blanches. Où ? Quand ? De source proche du dossier, aucun « lieu précis » n’aurait émergé. « Voilà pourquoi cela fait aussi peur, et pourquoi il faut savoir qui va leur dire “aujourd’hui, maintenant, à tel endroit” ». Dans le viseur : le Suisse d’origine bosniaque qui animait la discussion Telegram « Abd al Muhaymin al-Bosnie ». Un « prétendu imam », dixit le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui avait « endoctriné des jeunes, ce qui arrive hélas maintenant trop souvent. »