Mondial : gueule de bois pour le football italien
En perdant contre la Suède au Mondial 2018, l’Italie s’est attirée les foudres de la presse et des supporters. A Vintimille et dans le Mentonnais
Un match nul qui les envoie en enfer. Face à la Suède, en barrages de la Coupe du monde, la Squadra Azzurra n’a pas planté un seul pion. Il n’en fallait pas plus pour subir l’opprobre populaire et médiatique. Exit, donc, le Mondial de football en Russie. Ciao Italia, diront les Français volontiers taquins. Pour cette nation qui respire, vit et mange football, c’était, hier matin, la gueule de bois assurée.
« Tout le monde est coupable »
Sur l’artère principale de Vintimille, au bar Canada, la débâcle historique est sur toutes les lèvres. « Tout le monde est triste et a honte, confirme Benito, le patron du café. Vous savez, on est 60 millions de sélectionneurs en Italie. Alors chacun y va de son commentaire. » Accoudé au zinc, Pasqualino Sorrentino boit son habituel cappuccino, le visage décomposé à la lecture des journaux, guère avares en critiques sur cette non-qualification (lire ci-dessous). « C’est une hécatombe. Tout comme la politique actuelle, la bureaucratie du football est incompétente, souffle-t-il. Dans son viseur : le président de la fédération italienne qui aurait « parachuté » le sélectionneur, Giampiero Ventura. En terrasse, Mathias et Antonio englobent d’autres protagonistes dans la responsabilité Gianluigi Buffon en larmes. Ses coéquipiers, le visage catastrophé. À la Une des médias italiens, les images sont vendeuses. Mais surtout révélatrice de la débâcle sportive de la La Squadra Azzurra. Des médias meurtris. En colère. « Le poids des mots, le choc des photos », ce slogan bien connu colle parfaitement à cette funeste actualité. Car la presse italienne n’y va pas de main morte. À la librairie de la presse à Menton, les neuf journaux en vente mettent le sujet à la première page. « Tous à la maison ! », signe Tuttosport quotidien sportif italien avec un édito au titre un brin évocateur : « Nous l’avons mérité! ». La Stampa, elle, parle carrément d’« apocalypse bleue » pour reprendre les propos prémonitoires de Carlo Tavecchio (président de la fédération italienne, NDLR) qui avait usé de ce terme pour décrire l’impact qu’aurait une éventuelle élimination de la course au Mondial. de cet échec cuisant : « Tout le monde est coupable : la fédération, les joueurs qui manquaient d’envie et de technique, l’entraîneur qui était trop juste et pas à la hauteur pour l’équipe nationale », jugent-ils. À côté, Enzo Coppola n’en est pas moins radical. « Il n’y a jamais eu de projet, ni de beau jeu. Encore moins face à la Suède, une équipe de seconde zone. Il faut tout nettoyer et reconstruire un cycle plus vertueux. Il faut parfois tomber pour mieux rebondir », espère-t-il. Les Italiens, côté Menton, avaient aussi grise mine, hier matin. « Ceux qui achètent les journaux sportifs italiens tiraient tous la tête. Ils l’ont mauvaise », confirme Cathy, une libraire mentonnaise. « Ils sont chambreurs quand ils gagnent mais là, ils se sont tous planqués », chambre amicalement l’affable Marsou Viano, figure du bar des Allobroges à Roquebrune-Cap-Martin. Les rares fois où la Squadra Azzurra manquait à l’appel du Mondial, c’était en 1930 et 1958. Une éternité. « La coupe du Monde sans l’Italie, c’est comme le Grand Prix sans Ferrari. Mais bon, on a ce qu’on mérite », résume très justement Amor Guglielmi, responsable d’un Juventus Club Doc France à Beausoleil.
« Buffon, un dieu vivant »
C’était surtout la der internationale du grand Buffon. Et, de tous les témoignages recueillis, le respect se Au fil des pages, le sélectionneur est clairement dans le viseur des journalistes : « La dernière gaffe est la pire (...) son nom restera lié à cette catastrophe », insiste lourdement La Stampa. Tous insistent sur cette dernière fois où La Nazionale avait manqué le rendez-vous planétaire. C’était en 1958. « Sans Mondial après 60 années », regrette Corriere della Serra. Mais le sélectionneur n’est pas, selon les spécialistes, le seul coupable de ce naufrage sportif. Les joueurs aussi. « Tout le monde dehors », titre un autre journal, visiblement partisan d’un changement de visages. « Ventura va s’en aller mais il ne devrait pas être le seul », prédit le quotidien sportif. Seul le portier et mythique Buffon semble échapper à la tempête médiatique. « Le rêve du sixième mondial disparaît », « Les dernières larmes », «Parla petite porte. » La colère fait place à la peine. Les Italiens disent adieu à un champion. À contrecoeur. Selon Mathias et Antonio, « tout le monde est coupable ». lui, parle « d’hécatombe ». trouve que « tout le monde est triste et a honte ».
sent systématiquement dans les mots choisis. « C’est un Dieu vivant en Italie. On gardera de lui cette image triomphante du Mondial 2006 face à la France », se souvient, un brin nostalgique, Jean-Marc Comini de Monaco. Quant à cette édition 2018 en Russie, il l’assure sans ambages : « Je ne la regarderai pas. Ma famille, en Toscane, non plus. Ça fait trop mal... » D’autres, comme le binational Jérôme, jetteront leur dévolu sur la France. Pour Romain, ce sera l’Angleterre car « il aime bien ce pays mais rien de plus ». Pour Julia, biberonnée aux exploits de l’Italie de jadis, ce sera aussi la bande à Deschamps. Par défaut. Mais surtout par amour pour son petit ami. Tous les journaux italiens en ont fait leur Une, hier.