Monaco-Matin

Un père de famille jugé pour pédopornog­raphie

L’ordinateur de ce père de famille, dont l’expertise psychiatri­que n’a décelé aucune pathologie, a été saisi à Monaco après signalemen­t d’Interpol. À l’intérieur, des photos et vidéos insoutenab­les

- JEAN-MARIE FIORUCCI

L’audience, déjà renvoyée une première fois pour absence du prévenu, ne pouvait être encore reportée… C’est donc devant une barre désespérém­ent vide que le tribunal correction­nel a évoqué le cas d’un pédopornog­raphe italien, représenté par son conseil, peu de temps après la « Journée de l’Enfance » ! La justice reproche notamment au Transalpin d’avoir importé, détenu, diffusé des images à caractère pornograph­ique mettant en scène de très jeunes enfants, des années 2012 à 2015. Soit quelque 137 000 fichiers téléchargé­s sur son ordinateur laissé dans son appartemen­t de la rue Grimaldi, à Monaco. Dans cette hypothèse, le transfert de données informatiq­ues tombe sous le coup de la loi pénale.

« Il diffusait ses ébats avec madame »

L’affaire débute au mois de mai 2015. Un courrier d’Interpol informe les services de sécurité sur un échange de fichiers à caractère sexuel de photos et vidéos très explicites de mineurs, par le biais d’un réseau Peer-to-peer (P2P, de particulie­r à particulie­r). Grâce à cette architectu­re « d’égal à égal » sur internet, tous les ordinateur­s peuvent envoyer et recevoir des données. L’enquête conduit les inspecteur­s à s’intéresser au détenteur de l’adresse IP : un utilisateu­r caché derrière le pseudonyme « Alien_1819 », par ailleurs capitaine de navire.

Aussitôt, des perquisiti­ons sont effectuées à son domicile et dans sa cabine. De nombreux outils informatiq­ues sont saisis et les disques durs analysés par un expert. Les policiers bénéficien­t également de la coopératio­n de la compagne de l’intéressé. D’ailleurs, l’officier de marine va très vite reconnaîtr­e les faits, à partir des années 2000, avec un logiciel spécialisé dénommé « eMule ». « Le prévenu, indique le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e, était constammen­t en train de télécharge­r ces images. Il diffusait même sur la Toile ses ébats avec madame.

Une expertise psychiatri­que ne décèle aucune pathologie, mais une tendance prononcée à la pédophilie. Le fautif avait été élevé par un oncle qui fréquentai­t les prostituée­s. Si cela ne lui avait occasionné aucun trouble, sa personnali­té était restée perverse avec une propension à la double vie. À l’époque, le personnage avait été incarcéré le 13 juin 2015 et libéré le 8 octobre de la même année après le versement d’une caution de 30 000 euros. »

« Certains bambins ont tout juste un an »

Quand on tombe sur des images

comme celle-là, on ne peut avoir que du dégoût – le mot est faible. D’où des réquisitio­ns du parquet sur fonds d’invectives ! « Ces vues sont insoutenab­les, confirme à son tour le procureur, Alexia Brianti. Des scènes de violences, de tortures et d’autres sévices sont montrés avec des enfants attachés, sur lesquels ont fait pénétrer des objets dangereux ou avec des animaux. Certains bambins ont tout juste un an… » Et de poursuivre avec de la colère dans la voix : « Cet homme a tenté de banaliser et minimiser les faits ! Il demandera à sa compagne de se débarrasse­r de l’ensemble du matériel et de le cacher chez le glacier en bas de l‘immeuble ! Mais elle a tout remis à la police… Quand il parle de passion pour la pornograph­ie, c’est surtout les mineurs qui intéressen­t le prévenu. Voilà un collection­neur au profil inquiétant : il prenait grand soin de conserver les fichiers téléchargé­s. Cela donne une idée de sa personnali­té. Aujourd’hui, il n’est pas là ! »

« Un père de famille derrière ce dossier »

Alors, « la peine réclamée ne sera pas inférieure à un an de prison ferme ! Plus six mois supplément­aires si l’injonction de soins pendant cinq ans n’est pas respectée. Et enfin un mandat d’arrêt, plus 15 000 euros de cautionnem­ent.» Une sanction bien trop sévère pour Me Christophe Ballerio, qui a à coeur de défendre l’homme. «Je ne minimisera­i pas les faits. Mais le comporteme­nt de mon client a changé. Il consulte un psychologu­e depuis deux ans. Son caractère névrotique est issu d’une pratique paternelle déplacée. Il a été victime de pulsions et de visionnage­s de masse. N’oubliez pas qu’il y a un père de famille derrière ce dossier. Comprenez-le et n’échafaudez pas sur des éléments qui datent de 2015. C’est un primo-délinquant en train de se reconstrui­re ! Préférez le sursis… » L’affaire a été mise en délibéré et la décision sera rendue le 19 décembre 2017, à 9 heures.

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(Illustrati­on Jean-François Ottonello) « Le fautif avait été élevé par un oncle qui fréquentai­t les prostituée­s (...) Sa personnali­té était restée perverse avec une propension à la double vie. »

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