Elisabeth Levy : « Ni lâche, ni conformiste ! »
La « polémiste » anime une table ronde, Liberté de conscience et d’expression, aux Rencontres-débats de Cannes aujourd’hui. Avec la langue qui ne reste jamais dans la poche !
Un format de poche, mais une grande gueule. Chroniqueuse, essayiste, voire polémiste professionnelle, Elisabeth Levy n’est pas du genre à se laisser marcher sur les talons. Et sa langue fait feu de tout bois politiquement correct. Au téléphone, la voix est un peu pâteuse et le réveil difficile… bouclage tardif de son mensuel Causeur oblige. Mais ensuite, le flot verbal est à l’image de la charge : vif, pertinent et impertinent, drôle, percutant, et quasi ininterrompu. Aux Rencontres de Cannes, la voilà qui va animer les débats… comme on part au combat ! À Cannes, vous êtes « modératrice » d’une table ronde. Ce qui vous anime, c’est la controverse et le débat ? Le goût du débat, mais aussi l’amitié, car François Lapeyrou a créé un rendez-vous annuel très amical avec un noyau de fidèles qui ont plaisir à se retrouver depuis dix ans. Je suis ravie de revenir !
Journaliste, mais surtout polémiste ? J’aime le débat, j’adore la bagarre ! J’aime la confrontation des idées, des arguments, et me disputer grandement avec mes amis. On fait souvent ça sur un plateau TV, mais à Cannes, j’apprécie sortir de notre entresoi, du petit : monde des journalistes, pour discuter aussi avec le public. C’est toujours intéressant ce que pensent les gens.
Avec toujours le risque de chercher la petite phrase qui va faire le buzz ? Les réseaux sociaux ne rendent pas intelligents, ça, c’est sûr. Mais on ne va pas non plus s’interdire de parler ! La France est le pays des Lumières, alors si on ne peut plus avoir un débat vif, c’est triste…
Liberté la plus menacée : de penser ou de croire ? De penser. Mais c’est une menace que nous créons nous-même. La France est un pays libre, où l’on peut dire ce qu’on veut, et cela est menacé par le conformisme et la lâcheté. En janvier , on avait pourtant manifesté et défilé… mais il n’est pas sûr qu’aujourd’hui, on défende ces libertés autant qu’on devrait.
Vous vous dites sidérée par le site balancetonporc.com ? Ca me rend même folle de rage ! On devient un pays que je ne reconnais pas. Non, la France n’est pas un pays où les femmes ont peur, même si c’est le cas de certaines. Une femme n’est pas victime à chaque fois qu’un mec lui dit qu’elle a un beau cul ! Et je ne suis pas traumatisée à chaque fois qu’un type regarde mes seins. On mélange les agressions physiques avec des avances, mais on n’est pas obligés de céder ! Moi, un mec qui m’emm…, je l’envoie paître. Le procédé balancetonporc me fait gerber, car la fin ne justifie pas les moyens. Élisabeth Lévy, tout sourire… mais déjà prête à sortir les crocs !
Mais il libère aussi une parole féminine longtemps contenue ? L’infantilisation des femmes commence à me taper sur les nerfs ! On est en train de s’américaniser. Or la France est un pays où le rapport homme/femme est basé sur l’égalité, mais aussi la séduction. Aujourd’hui, messieurs, attention à ce que vous faîtes!
Dans votre dernier livre, les Rienpensants ont remplacé les Maîtres censeurs, titre d’un précédent ouvrage ? Il y a quinze ans, les Maîtres censeurs essayaient d’interdire certains thèmes de discussion, comme l’immigration. Nous sommes passés à un stade supérieur, où l’on essaie de nous empêcher de voir ce que l’on voit, c’est encore plus grave. Dans Les territoires perdus de la République en , il était déjà écrit qu’il n’y a quasiment plus d’élèves juifs dans les écoles de Seine-Saint-Denis. Ca fait quinze ans qu’on sait qu’il y a un néoantisémitisme, et quinze ans qu’on se fait traiter d’islamophobe à chaque fois qu’on le dit. Il en est de certaines expressions de l’islam comme du niveau de l’école, dont on veut nous faire croire qu’il monte. Ce n’est pas le cas. Mais ce n’est pas en taisant les problèmes qu’on va les régler.
Y a-t-il une manipulation collective du politiquement correct via les médias ? Je ne suis pas une complotiste, donc je ne parle pas d’une manipulation, mais de conformisme et de lâcheté. C’est plus facile d’aller dans le sens du vent, mais c’est parfois compliqué de ne pas dire la même chose que tout le monde.
Vous dites que vous n’êtes pas de gauche. Ni de droite ? Ah, quand vous n’êtes pas de gauche, vous êtes automatiquement classé dans le camp d’en face ! Mais ce clivage n’a pas, n’a plus de sens. La preuve, ils n’ont pas de problème à bosser autour de Macron, car ils sont pareils. L’UMPS, ça existe ! Moi, je n’appartiens à aucun camp. De toute façon, la gauche n’existe plus. Même Mélenchon ne s’en réclame plus. Le clivage se fait plutôt entre progressistes qui veulent liquider la nation et son héritage et conservateurs d’une ligne historique, avec la défense de la Nation et de la langue française. Prenez-les à Nice ! Je vous les donne tout de suite. Vous ne vous rendez pas compte de ce que devient Paris. Et puis les Dieux du stade, j’en ai ras-le-bol, alors l’idée de bouffer des J.O pendant six ans… Ca va coûter un paquet de pognon. Moi, j’aime faire du sport au quotidien, mais est ce qu’on a le droit de s’en foutre ? Je suis davantage épatée par un grand romancier que par un coureur de m.
Et la clope au cinéma qui fait débat ? Je veux bien qu’on informe les gens contre les dangers de la cigarette, mais le cinéma, ce n’est pas un cours de prêchi-prêcha ! Imaginez la fameuse scène où Lauren Bacall demande du feu à Humphrey Bogart, on met autre chose ? Et après, on va faire comme les Américains, qui ont effacé Kevin Spacey de l’écran ? C’est inquiétant !
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Avec l’humoriste Alex Vizorek « dialogue » se poursuit ? Avec Alex, on s’est tout dit je crois. J’aime l’humour, mais ce qui me vexe, c’est le niveau de ses blagues sur France Inter, et de payer pour ça. Je mérite quand même un peu de talent !
Votre devise : Cause toujours, tu m’intéresses ? Pas du tout. Ce serait plutôt le slogan de Causeur : surtout si vous n’êtes pas d’accord. Mais au fond, je n’aime pas les slogans. Ce qui m’importe, c’est d’être libre et de défendre le pluralisme. 1. Elle a critiqué les humoristes de France Inter , « chiens de garde de la pensée unique» dans Salut les terriens.Alex Wizorek a répliqué : « On fait le même métier : on est tous les deux payés pour raconter des conneries et franchement, elle vole pas son salaire».