Monaco-Matin

« Il faut que les touristes soient fiers d’être venus ici »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE MAGGIO pmaggio@nicematin.fr

Près de 700 profession­nels du tourisme ont réfléchi ensemble, hier, à Villeneuve-Loubet, autour de la marque « Côte d’Azur France ». « Grand témoin » de ces troisièmes rencontres annuelles, organisées par le comité régional du tourisme: Didier Arino – considéré comme une grande gueule dans le milieu du tourisme français –, directeur général de Protourism­e, un réseau de consultant­s spécialisé­s, n’a pas distribué que des bons points….

La France a enregistré cet été une hausse de  % du nombre de touristes. Quelles retombées économique­s pour le pays ? Arrêtons de crier cocorico ! Nous sommes dans un phénomène de rattrapage. Entre  et , l’augmentati­on du nombre de touristes est entre  à  fois plus faible que chez nos voisins européens. En Espagne, la progressio­n est à deux chiffres et en Angleterre, malgré les attentats et le Brexit, ils sont aussi en progressio­n. Quant aux retombées économique­s, nous sommes les plus mauvais élèves. Oui, c’est mieux que si c’était pire, mais nous sommes très loin d’être compétitif­s.

Quel est le problème ? On est polarisé sur des volumes de flux touristiqu­es qui ne veulent rien dire puisque l’on inclut dans ces chiffres le routier espagnol en transit qui dort dans son camion. Le problème est que l’on n’a pas d’augmentati­on du nombre de touristes étrangers dans les mêmes proportion­s que les autres et que le delta est considérab­le entre l’augmentati­on des coûts des entreprise­s touristiqu­es et leur capacité à générer du chiffre d’affaires et de la marge.

C’est la faute aux profession­nels du tourisme ? C’est d’abord la faute aux collectivi­tés qui n’ont pas pris en compte la dimension touristiqu­e. La force du tourisme français est issue, à partir des années soixante, d’une volonté publique, avec la constructi­on de stations comme La Grande-Motte ou Port-Barcarès, mais aussi des stations de montagne. Mais cette volonté publique s’est arrêtée dans les années soixante-dix, alors que d’autres pays investissa­ient dans le développem­ent économique par le tourisme. Nos problèmes actuels sont : le rapport qualité-prix. Et le renouvelle­ment de notre offre. Il n’est pas anodin que les métropoles aient pris le pas sur les stations de villégiatu­re. Le tourisme a doublé à Bordeaux en  ans. Idem à Lyon ou Lille au détriment de destinatio­ns qui se sont reposées sur leurs lauriers.

Vous pensez à la Côte d’Azur ? Oui. Le défi, [pour la Côte d’Azur ndlr] passe par l’aménagemen­t du littoral, d’infrastruc­tures de transport. Vous verrez le booster que sera la mise en service à Nice de la deuxième ligne de tramway. Cela passe aussi par une remise en question dans la création de produits touristiqu­es, pour désaisonna­liser. On ne peut pas dépendre des seuls mois de juilletaoû­t. Cela passe enfin par une politique événementi­elle : il faut rassurer, donner envie aux investisse­urs et aux acteurs du tourisme. Les tragiques événements de l’an dernier à Nice ont poussé les acteurs de la Côte d’Azur à raisonner ensemble, intelligem­ment. Et le travail fait par le CRT Côte d’Azur est remarquabl­e. On voit déjà les retombées. Dans le tourisme, il n’y a pas de fatalité. Si on perd, c’est qu’on est mauvais. La clé, c’est : investisse­ments, innovation et aménagemen­ts. Dans le tourisme de demain, il faut que les gens vivent des expérience­s fabuleuses. D’ici , on comptera  à  millions de touristes en plus. Où iront-ils, en Espagne, en Italie, ici ? Comment les héberger, les fidéliser ? Il est là le défi pour la Côte d’Azur, l’une des rares destinatio­ns dans lesquelles il y a des marques fortes dans le monde : Cannes, Nice ou Monaco. L’autre défi, c’est l’image. Celle de la Côte d’Azur s’est détériorée. Le littoral méditerran­éen, en général, s’est fait devancer dans l’imaginaire par des destinatio­ns de la façade atlantique qui ont moins d’atouts mais qui sont plus tendance. Vous avez des festivals de jazz mais le plus connu aujourd’hui est celui de Marciac au fin fond du Gers. Les profession­nels azuréens ont longtemps pensé que grâce au soleil, les gens viendraien­t toujours. Aujourd’hui, la nouvelle génération ne ressent plus comme une obligation de passer ses vacances d’été ici. Ce qui renforcera la marque, c’est d’associer des valeurs et surtout des expérience­s. Quand on dit Côte d’Azur, il faut que les gens pensent golf, jardins, bienêtre, belles plages privées, dégustatio­n de produits de terroir…

Les tarifs sont-ils un problème ? Je ne pense pas. Le problème, c’est le rapport qualité-prix. Il faut que les gens soient fiers d’être venus sur la Côte d’Azur. Quand on rentre de ses vacances, très vite on ne souvient plus du prix mais de l’expérience que l’on a vécue. Sauf, bien sûr, si on a le sentiment de s’être fait massacrer au moment l’addition.

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« Côte d’Azur » est une marque assez forte face à la concurrenc­e mondiale ?

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