Monaco-Matin

Marché de Menton, artisanal ou « made in China » ?

La question du qualitatif revient souvent pour les marchés de Noël. A Menton, beaucoup de producteur­s et d’artisans. Mais aussi de l’importatio­n lointaine, dont certains ne se cachent pas

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Àchaque flânerie dans un marché de Noël, c’est la même rengaine. Ou la sempiterne­lle polémique qui débarque. Le lieu est-il une vitrine du savoir-faire ou l’antre du « made in China»? Un peu des deux, finalement. Pour celui de Menton, le maire Jean-Claude Guibal prêche l’artisanat avec passion. Avec une petite nuance, aussi. « Nous avons quelques stands de grande distributi­on. Il en faut un peu, notamment pour les jeunes, comme les coques de portable. Le tout encadré par du fait main », confiait-il, peu de temps avant le lancement des animations de Noël. Depuis 2014, justement, le prix de location des chalets a chuté de plus de moitié. Pour «attirer les petits artisans », justifie-t-on en mairie (lire par ailleurs). Le désir de privilégie­r le fait main s’applique-t-il sur le terrain mentonnais ? On a vérifié.

Santons de Tunisie?

Le premier chalet, en partant du marché des Halles, est le petit nouveau. Le dernier arrivé. Pas de doute sur la provenance, Jean-Marc Appiano réalise tout de ses dix doigts. Des abat-jour, miroirs ou bien des lustres… « Je travaille mes créations à la maison à l’aide de cuillères en plastique, de bâtons de glace ou de coquillage­s », confie cet ancien cuistot de profession. Pas très loin, Catherine Maurel Les samedis et dimanches, des créateurs réunis au sein de l’associatio­n « Je crée, je fabrique », originaire­s de la région seront également de la partie sur l’esplanade FrancisPal­mero. Parmi ces vingt-cinq adeptes du « fait main », au maximum, quelques Italiens spécialisé­s dans la sculpture sur bois d’olivier. Des ateliers seront proposés comme de la poterie, des bijoux, des objets en cuir... Au marché de Noël, il y a Stéphanie ou Mireille qui créent à domicile. Mais aussi Jean-Louis qui ne se cache pas d’acheter Le vendeur de coques, lui, assure « répondre à une réelle demande ».

du Moulin à huile passerait presque inaperçue derrière ses 400 références de santons d’Aubagne. « Tout est fait à la main et chaque pièce est unique », jure-t-elle, en montrant le dessous du santon, estampillé au nom de Patrice Jarque. En 2014, pourtant, une polémique avait enflé lorsque le santonnier avait reconnu délocalise­r une partie de sa production en... Tunisie. « Uniquement pour la grande distributi­on, pas les marchés », nuance-t-elle, reprenant l’argumentai­re de son patron à l’époque.

« Pendant les temps morts, je fabrique »

En face, contrairem­ent à un autre vendeur de bijoux celtiques et féeriques plus loin, Mireille crée 90 % des siens à la maison. « Les 10 % restants, c’est de la revente », avoue-t-elle. Elle dégaine ses outils pour montrer sa bonne foi. Dans son chalet, un atelier improvisé. « Pendant les temps morts, je continue à fabriquer », souritelle. Même état d’esprit, à

l’autre bout du marché, pour Yves Montarou, concentré sur le portrait d’une adorable famille. Armé de son crayon fusain, il fait revivre la famille sur papier. Frappant de ressemblan­ce. En face, Stéphanie Penot fabrique aussi de ses deux mains. «Je crée des cartes postales, peintes à l’aquarelle. J’y colle parfois du papier peint et je mets des paillettes comme finition. Je fais aussi des partenaria­ts avec d’autres artisans pour vendre leurs créations comme ces statuettes en bois », montre-t-elle, tout en pointant du doigt son atelier pour concocter des boules de Noël. « Moi, mes décoration­s de Noël sont Made in China, concède sans ambages Christian Truchi. Sinon, on vendrait ça trois fois plus cher aux clients. Et les peluches viennent de Suède. Par contre, les santons Escoffier sont d’Aubagne. » D’autres pays sont représenté­s. Des sacs à main en cuir de Toscane, » made In Italy » comme tient à le prouver le vendeur en montrant l’intérieur du sac. Des Poncho

réalisés par une associatio­n d’un petit village du Pérou. Des sacoches, sac à main et cahiers d’Inde. « Le créateur les pense et les dessine. Mais c’est fabriqué en Inde, explique la vendeuse. La main-d’oeuvre y est moins chère mais ce n’est pas de la moins bonne qualité. Les clients ne rechignent pas car ils savent faire la différence entre l’Inde et la Chine.»

« Il faut arrêter avec cette hypocrisie »

Air plus gêné devant le stand de coques de portables. « On va peut-être ne pas trop en parler, souffle le vendeur, conscient des critiques. Vous savez, je réponds à la demande et je fais mon travail. » La demande elle y est assurément. Comme Mathias qui vient tout juste d’habiller son smartphone dernier cri. « Il faut arrêter avec cette hypocrisie. Si on enlève le Made in China, tout le monde est à poil car la plupart de nos vêtements viennent de là-bas », lance-t-il, agacé. Sur le stand de Jean-Louis, le drapeau français est fièrement affiché. Pourtant, sa marchandis­e de gants, écharpes et bonnets n’a rien de tricolore. « C’est du chinois, sourit-il, sans rougir. Je vends à trois ou quatre fois le prix d’achat. Je n’ai que ce choix-là pour m’en sortir. Dans l’esprit des gens, chinois c’est mal fait, mais là je vous jure que non. Et puis,vous savez les gens font très attention aux prix . » Stéphanie Penot, artisane, surenchéri­t : « Sur les marchés de Noël, beaucoup ont

« C’était pour inciter les artisans à venir sur la commune. Que ce soit plus rentable pour eux, soumis à beaucoup de frais, et que le marché de Noël soit plus qualitatif », en tête de dépenser 2 à 5 euros pour chaque produit. Ils sont conditionn­és. Ils n’achètent plus un produit mais un prix. Mais quand on parle avec eux et qu’ils assimilent le travail de création et le temps que cela a demandé, alors ils comprennen­t. » La qualité a-t-elle toujours le dernier mot ? À Menton, en tout cas, l’artisanat gagne le match contre le Made in China . À quelques exceptions près.

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(Photos Jean-François Ottonello) Les Poncho, fabriqués par une petite associatio­n dans un village du Pérou.
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« chinois ».

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