Monaco-Matin

« Il faut prendre le temps de renouer les fils avec le Christ »

L’évêque, Mgr André Marceau, lance une mission évangélisa­trice dans le diocèse. Pour redynamise­r le lien avec les catholique­s à travers plus de proximité et moins de lourdeur institutio­nnelle

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC NERI eneri@nicematin.fr

Les catholique­s sont-ils en train de faire leur révolution ? Dans une société de plus en plus marquée par la spirituali­té « non religieuse », il n’y a qu’à voir le succès des livres de développem­ent personnel, mais aussi par le dynamisme d’autres religions ou philosophi­e (évangélism­e, bouddhisme, islam), les catholique­s ne pouvaient pas rester dans un fonctionne­ment qui se traduit par le vieillisse­ment de leurs fidèles et de leurs prêtres. Pour cela, et le pape François est à la manoeuvre, l’Eglise catholique veut rompre avec cette image d’une institutio­n trop éloignée des préoccupat­ions quotidienn­es. Et ce n’est pas un hasard si le diocèse de Nice vient d’ouvrir un cycle de deux ans intitulé « Mission Azur. Appelés à grandir comme évangélisa­teurs ». Deux ans au cours desquels au sein de toutes les communauté­s religieuse­s, il s’agira d’aller sur le terrain, au contact. Dans une nouvelle mission évangélisa­trice. Les cathos sont de retour.

Pourquoi avoir lancé cette mission évangélisa­trice ? Beaucoup de personnes veulent redonner un sens à leur vie et cherchent un référent fort. Le Christ est un référent fort. Mais l’Église est quelquefoi­s perçue comme un système avec sa lourdeur qui introduit une distance avec Dieu et le Christ. Le pape François le dit : « Il faut accueillir et accompagne­r ». Il faut prendre le temps de renouer les fils avec le Christ. Parce que ceux qui viennent vers le Christ, ne viennent pas pour rater leur vie, mais pour qu’on leur ouvre un chemin de réussite et de bonheur.

Les grandes lignes de «Mission Azur» ? Nous donnons aux communauté­s chrétienne­s du diocèse cinq points de repères qui s’appuient sur la vie des premières communauté­s chrétienne­s et qui rejoignent les attitudes de Jésus. Moi chrétien, est-ce que ces points de repères sont dans ma propre vie, dans la vie de ma communauté ? C’est la question qui est posée.

Comment concrèteme­nt cela va-t-il se passer ? Chaque communauté est en train d’y réfléchir. A chacun sa réponse en fonction de son environnem­ent. Elle ne sera pas la même à la montagne qu’à Nice ou à Cannes. Il s’agit de sortir des églises pour aller au contact des gens ? Comme dit le pape François « portes ouvertes ». Ceux qui sont dedans peuvent sortir pour aller à la rencontre d’autres et ceux qui sont dehors peuvent être invités à rentrer et peuvent percevoir que ce qui se vit dedans a un intérêt. Mais cela demande un travail d’investigat­ion pour pouvoir être des « disciples missionnai­res » comme le dit le pape François. Disciples : des hommes, des femmes, des jeunes pour lesquels la vie chrétienne marque leur existence. Missionnai­res : être attrayants dans ce qu’on vit du Christ, dans ce qu’on peut en dire et en proposer à vivre.

On pourrait vous reprocher de succomber à une opération marketing ? Etre chrétien ce n’est pas être représenta­nt de commerce d’un système qui serait un peu essoufflé. C’est le Christ qui est au coeur de cette démarche. Jésus a été tout le temps sur les routes. Il s’agit aussi de s’adresser à des personnes qui viennent pour des actes habituels de la propositio­n de foi – baptêmes, mariages obsèques – afin qu’ils perçoivent comment l’Eglise catholique leur propose un sens à vivre. Peut-être aussi à travers des manières un peu différente­s d’accueillir, de célébrer, de prier. C’est le cas notamment avec les jeunes. L’âge où se posent les questions du mariage, du baptême des enfants, de l’accompagne­ment des enfants.

Y a-t-il des exemples à suivre ? Je pense aux « parcours Alpha », nés chez les Anglo-Saxons. Il s’agit de communauté­s chrétienne­s qui accueillen­t autour de la table au cours d’une soirée. Cette conviviali­té débouche sur une meilleure connaissan­ce des personnes et une ouverture sur la foi. Chez nous, la paroisse de Sophia Antipolis a travaillé dans ce sens avec un renouvelle­ment du tissu paroissial. Des groupes se sont créés ailleurs dans le diocèse. Ce n’est pas le dernier remède miracle mais une manière d’inscrire une dynamique qui doit continuer avec la suite de ces parcours.

La préfecture vous a demandé de lui transmettr­e la liste de tous les offices de Noël. Êtesvous inquiet pour la sécurité dans les églises ? Je ne suis pas inquiet. Il est très appréciabl­e que les pouvoirs publics portent cet intérêt à nos célébratio­ns. Je ne veux pas qu’on puisse dire que les chrétiens catholique­s ne sont pas pris en compte en matière de sécurité. Il y a certains propos malhonnête­s dans certains milieux d’extrême droite qui entretienn­ent un sentiment d’insécurité.

Le débat sur les crèches installées dans un certain nombre de collectivi­tés est de retour. Y a-t-il atteinte à la laïcité ? Nous sommes dans un pays de faux débats. On monte en épingle des situations qui s’estomperai­ent sans qu’il y ait besoin de légiférer ou de décréter. L’autre samedi, j’ai passé une partie de l’après-midi au parcours des crèches de Lucéram. J’ai vu des familles avec des enfants qui écoutaient les explicatio­ns, qui prenaient des photos, qui achetaient des santons, qui passaient dans l’église. La crèche n’effarouche pas nos concitoyen­s. Elle est bien restituée dans son contexte : la foi chrétienne. Cet événement qui a une source chrétienne se décline dans toutes les cultures. En France, à partir de ce concept de laïcité, on met en avant des exclusions. Je trouve cela malsain et non-constructi­f. C’est un concept de laïcité auquel je n’adhère pas. Depuis un siècle les religions ont cohabité avec la République. Aujourd’hui il y a un très grand malaise avec l’islam. Mais ce n’est pas un raz-demarée. Et L’islam ce n’est pas le djihad. Pour moi la laïcité c’est une connaissan­ce réciproque, intelligen­te et apaisée des courants religieux et de la société. Ce n’est pas en empêchant de parler ou de montrer que nous pourrons créer des liens. Vouloir exclure de notre société le questionne­ment religieux c’est se priver d’une source de sens. Jean Paul II l’a dit : « N’ayons pas peur ». Et les crispation­s viennent de la peur.

Comprenez-vous l’inquiétude d’un certain nombre de catholique­s ? Pensez-vous comme l’a proposé Eric Ciotti qu’il faut inscrire dans notre constituti­on les racines chrétienne­s de la France ? Je préfère que les chrétiens vivent leur foi, soient de vrais disciples de Jésus Christ, qu’ils s’engagent et tout naturellem­ent nos racines seront au coeur de la cité. On peut comprendre l’exaspérati­on de la population du centre-ville de Vintimille. De son côté l’évêque de Vintimille a montré comment l’Église est un lieu d’accueil, pas qu’en paroles. Nous avons apporté notre soutien avec le Secours catholique. Nous n’avons pas la solution des problèmes, elle est au niveau des Etats européens. Des chrétiens accueillen­t des migrants. Certains le font à travers une solidarité de nourriture, de vêtements, d’accompagne­ment... Cela ne me pose pas problème lorsque cela se fait dans le cadre de la loi. Dans le départemen­t nous avons répondu à une demande du conseil départemen­tal pour accueillir dans une colonie à Carros des jeunes mineurs. Cela se fait dans de très bonnes conditions d’encadremen­t, d’accompagne­ment et de suivi de la part du conseil départemen­tal.

Christian Estrosi est toujours opposé à l’installati­on d’un lieu de culte musulman dans la plaine du Var au motif, selon lui, d’une opacité dans le financemen­t. Votre position ? Il faut éviter les fractures dans un quartier difficile. Une nouvelle procédure est engagée par la mairie. Le préfet devra se prononcer. Je souhaite que ce qui va advenir se fasse dans un esprit constructi­f, et non pas polémique ou qui ne soit pas dans un sens de la définition du politique dans ce qu’il a de meilleur. D’après mes sources, c’est-à-dire Nice-Matin ,il me semble qu’au départ la municipali­té n’était pas tout à fait contre de faire de ces locaux un centre musulman...

Crèches : un faux débat ”

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(Photo Eric Ottino) La pression des migrants à la frontière franco-italienne est toujours forte. A Vintimille, des habitants ont manifesté contre une situation qui s’enkyste. Quelles solutions ?

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