En route pour le véhicule du futur
Grand angle A quoi ressemblera la voiture de demain ? Autonome ? Connectée ? Un objet orienté vers la mobilité individuelle ou servant le bien commun ? Les pistes des experts
Le pôle de compétitivité SCS a réuni dernièrement chez Amadeus à Sophia Antipolis les acteurs de la filière automotive. Constructeur automobile représenté par Renault Software Labs, équipementiers comme Magneti Marelli, Bosch Automotive Electronics, Visteon Software Technologies, tous ont partagé leur vision du marché, les enjeux et les solutions. Que faut-il en retenir ?
Révolution
« L’industrie automobile est en train de vivre trois révolutions en même temps : celle de l’électrique, de l’autonomie et de la connectique, analyse Frédéric Dosière, responsable du département Bosch Automotive Electronics, dédié aux véhicules autonomes. C’est une vieille industrie qui passe de la production d’une boîte en métal à celle du logiciel et bientôt à une offre de services. » Pierre Sigrist, directeur du centre de R&D de Visteon Software Technologies, de renchérir : «Il faut aller vers le big data qui permettra d’établir une relation intime entre le fabricant du véhicule et ses utilisateurs. Certains se demandent s’ils doivent garder leur statut de constructeur auto ou se diriger vers celui d’un opérateur de mobilité. » Une interrogation alimentée par l’arrivée de nouveaux venus comme Tesla qui n’ont pas de passé dans l’auto « mais qui fabriquent des objets roulants faisant le buzz. Ils tirent derrière eux un écosystème alors que les constructeurs traditionnels peinent à développer le leur. Le monde de l’auto lorgne aussi vers le smartphone qui est l’eldorado. Sans cesse, il se renouvelle, contrairement à la voiture qui est de facto un objet obsolète le jour où on l’achète car conçu, dans le meilleur des cas, trois ans auparavant. » Une analyse que partage Renault, le constructeur, présent depuis quelques mois à Sophia, via son centre de recherche et qui essaie d’anticiper les futures attentes de ses clients. D’après Bruno Bocaert, directeur du site de Renault Software Labs, la route menant au véhicule autonome passera par l’électrification de l’automobile puis par un véhicule à même de fournir des aides à la conduite dans les embouteillages, sur autoroute ou de répondre à la problématique du dernier kilomètre avec des robotstaxis, prévus d’ici 2022 selon le constructeur.
Sécurité…
Pour cela, il faut un véhicule totalement sécurisé. « Que la connectivité qui apporte à l’utilisateur une expérience d’infotainment ne soit pas dangereuse » et que les données transmises par les capteurs placés sur le véhicule analysent correctement les scènes et, surtout, prennent les bonnes décisions. «Il faut développer des technologies faisant de la génération de scénarios et s’assurer de leur fiabilité. Est-ce qu’un radar fonctionne sur un pont métallique ? Un éblouissement peutil perturber les caméras?», insiste Bruno Bocaert. « La recherche de la sûreté prime dans le véhicule autonome, souligne Frédéric Dosière, de Bosch. Les senseurs doivent fonctionner quelles que soient les conditions et pendant toute la durée de vie du véhicule. Le système doit comprendre son environnement pour bien réagir. Se pose alors l’éthique de la décision. En cas d’accident, on décide de taper dans un mur ou dans un arbre ? Choisit-on d’écraser un chat plutôt qu’une vache ? Pour l’heure, l’intelligence artificielle utilisée par ces systèmes inquiète car on ignore leur réaction en cas de situation imprévue. » La solution est d’avoir, comme en aéronautique, un système redondant prêt à prendre le relais.
Et cybersécurité
Suivant les tendances de la technologie, le véhicule de demain sera donc communicant. Revers de la médaille : il pourra faire l’objet d’attaques. « Étant donné qu’on a déjà du mal à prévoir ce que va faire un système intelligent, à quoi devonsnous nous attendre s’il est perturbé par des cyberattaques», se demande Pierre Sigrist, de Visteon Software Technologies. « Il faut mettre en place un réseau interne sécurisé entre les différents équipements de la voiture pour éviter qu’un smartphone inséré dans le système en perturbe le fonctionnement», ajoute Frédéric Dosière.
Législation
Au nombre des défis majeurs que devra relever l’industrie automobile, figure la législation, relève Frédéric Dosière. À titre d’exemple, les rétroviseurs qui sont un standard mondial accepté par tous les pays: « Il n’y a pas une seule voiture produite dans le monde qui n’en ait pas. Faire accepter par tous les changements induits par la technologie prendra du temps. » De même, quid de la responsabilité en cas d’accident ? « Suivant le niveau d’autonomie, qui sera jugé responsable ? » ,interroge Pierre Sigrist.
Attentes des utilisateurs
«L’arrivée du véhicule connecté a été induite par un changement de mode de vie, explique Sylvie Jeanin,
directrice du site de Magneti Marelli. Une personne passe en moyenne trois ans et demi de sa vie dans sa voiture et elle veut être connectée en permanence, y retrouver le même mode de vie qu’à l’extérieur. Les gens veulent communiquer avec leur voiture qui, ellemême, communique avec les différents acteurs de la mobilité autour d’elle. » Concernant l’utilisation du véhicule, « Il y a un décalage, souligne, Pierre Sigrist, entre une génération axée sur la propriété et les nouvelles qui n’ont plus besoin de posséder un véhicule pour se mouvoir. On va passer d’un objet orienté sur de la mobilité individuelle vers un objet plus solidaire, servant l’intérêt commun. » Un intérêt commun qui sera exacerbé par l’hyperurbanisation prévue dans les prochaines années. Le véhicule intelligent devra créer un écosystème qui permettra de mieux connaître et de mieux servir un client qui sera volatil, de lui fournir une expérience personnalisée. Il fera de la maintenance préventive, gérera tous les passagers présents et intégrera tous les devices connus (téléphone, tablette…) pour créer de la valeur. Outre les innombrables services et les business models à inventer, le véritable challenge de la voiture du futur réside dans une meilleure symbiose dans l’environnement dans lequel elle se déplacera. Elle doit retrouver son utilité dans la ville et la ville doit se l’approprier comme étant un capteur à roulettes qui lui permet de mieux comprendre son environnement et mieux surveiller les différents événements qui s’y produisent.