Monaco-Matin

« Ils n’ont rien tenté pour le sauver »

- CHRISTOPHE CIRONE

« Une délivrance. » C’est ainsi que Hélène Gandolfo voyait ce procès. Cette mère dévastée, qui a perdu son fils unique à l’âge de 21 ans, attendait que justice soit rendue « depuis si longtemps »... Le tribunal correction­nel a rendu son jugement hier. Un procès en appel pourrait suivre. Car cette

« délivrance » a un goût amer pour la mère d’Olivier Gandolfo. Cette colère froide, qu’elle et ses proches ont su contenir à l’audience, transpire de leurs confidence­s. N’ayant pu l’exprimer lors du procès, ils ont confié à Nice-Matin, avant le délibéré, les raisons de leur révolte et de leur profond sentiment d’injustice. « Olivier est mort dans des conditions opaques, déplore Hélène Gandolfo, 58 ans. On n’a pas tenu compte de ses plaintes et, surtout, de sa souffrance. Je l’ai vu deux jours avant ; il n’était pas bien. Il me disait : “Maman, fais-moi vite sortir de cette prison...” La relation avec le patient, l’humanité, c’est la base des soins. Or ça a été inexistant ! » La famille d’Olivier Gandolfo parle en connaissan­ce de cause. Plusieurs membres évoluent dans le milieu médical. Hélène Gandolfo travaille en gériatrie. Alphonse Pulcini, son oncle, est médecinane­sthésiste

réanimateu­r. « Olivier ne devait pas mourir. C’était bénin, estime-t-il. Non seulement ils ne se sont pas battus, mais ils n’ont pas voulu ! »

« Un manque d’intérêt »

C’est là le sentiment partagé par les proches du jeune Niçois, inhumé le jour où il aurait dû fêter ses 22 ans. Ce sentiment que tout n’a pas été fait, loin s’en faut, pour tenter d’éviter l’issue fatale. Une résignatio­n perceptibl­e durant le procès, quand le médecin et l’interne jugés ont pris la parole. « J’ai été choquée par le manque de motivation et d’intérêt porté à un petit jeune de 21 ans, témoigne Hélène Gandolfo. Moi, je travaille en gériatrie. Et quel que soit l’âge, quand un patient se retrouve en urgence vitale, toute l’équipe se mobilise pour pratiquer un massage cardiaque. On donne sa chance à la personne jusqu’au bout ! Ils ne m’ont pas avertie de l’aggravatio­n de son état de santé. Ils ne m’ont pas permis d’essayer de le sauver... ni même de l’entourer dans mes bras. » Mauvaise organisati­on du service, manque d’anticipati­on et de réactivité... Les proches dénoncent une prise en charge défectueus­e, aux conséquenc­es irréparabl­es. « Ils n’ont pas exécuté les gestes simples. Ils n’ont rien fait, rien ! C’est une inaction criminelle dans un hôpital », fulmine Alphonse Pulcini. Éplorés, bouleversé­s, les proches d’Olivier Gandolfo refusent néanmoins de jeter l’opprobre sur l’ensemble des personnels de Sainte-Marie. « Dans le précédent service où il était, ça s’était bien passé. »

Le jeune homme n’en était pas à son premier séjour à l’hôpital. Ce Niçois originaire des Abruzzes, en Italie, avait développé des troubles bipolaires à force de consommer du cannabis. Hélène Gandolfo retrace le parcours trop bref d’« un garçon un peu naïf, très fragile et angoissé. Olivier, je l’ai élevée seule. Il a peu connu son père, qui lui a beaucoup manqué. » Sa mère raconte sa « scolarité en

dents de scie », son expérience mitigée dans la restaurati­on à Cannes, la perte traumatisa­nte de sa grandmère, les mauvaises rencontres qui l’ont amené aux drogues dites douces. Elle veut surtout dépeindre ce garçon « très enjoué, gentil et attentif aux autres. Il disait de mes patients: “Ce sont des personnes âgées, elles sont au bout de leur chemin. Il faut leur donner de l’amour, de la tendresse.” Et lui, il n’en a pas eu ! »

« Ça peut se reproduire »

Le lendemain du drame, la famille d’Olivier Gandolfo s’est rendue à Sainte-Marie. L’échange avec le médecin-chef fut houleux. « Il nous a

pris pour des imbéciles », fulmine Alphonse Pulcini. « Ils voulaient masquer les faits. On s’est énervés. Alors

j’ai dit : “Nous allons porter plainte. Ne touchez pas au corps” », se souvient Marcel Touffet, le compagnon d’Hélène Gandolfo. Dans son malheur, cette mère dit sa chance d’être « tombée sur un officier de police très compréhens­if, très humain. Il a été sensible à notre affaire. » Si elle et ses proches veulent témoigner, c’est pour passer un signal d’alarme sur l’état de SainteMari­e. « Parce que cela peut se reproduire. Et qu’il faut dire “stop” ».

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« Olivier ne devait pas mourir », estiment ses proches.

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