Monaco-Matin

Enquête Nordahl Lelandais: une Niçoise entre peur et soulagemen­t

Aïcha Hamadou suit depuis Nice les derniers rebondisse­ments de l’enquête Lelandais. Avec l’espoir de comprendre pourquoi son frère, Hamed, a disparu en Savoie en 2012

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Aïcha Hamadou, secrétaire à Nice, se souvient avoir arpenté à pied les abords du fort de Tamié, près d’Albertvill­e, là où s’est volatilisé son frère Hamed, 44 ans, il y a plus de cinq ans. « Je suis allée sur place mais il y a 17 km de forêt, des falaises… C’était chercher une aiguille dans une botte de foin. » La gendarmeri­e, chargée de l’enquête, après des survols par hélicoptèr­e, des appels à témoins infructueu­x, avait fini par privilégie­r la piste accidentel­le. Celle d’une mauvaise chute dans ce paysage sauvage et escarpé. Et si son inquiétant­e disparitio­n était plutôt liée à une mauvaise rencontre ? Celle de Nordahl Lelandais, par exemple. Cette informatio­n a fait l’effet d’un coup de tonnerre au sein la famille Hamadou « Pour nous, ses six frères et soeurs, il est évidemment décédé. Il était tellement proche de nous… Il m’appelait une à deux fois par semaine, précise Aïcha. Il devait descendre à Nice pour La Toussaint ? A partir du moment où son téléphone ne répondait plus, qu’il n’y avait plus de mouvement sur son compte bancaire, que sa fiancée en Algérie et que nous-mêmes n’avions plus de nouvelles, on s’est vite fait une raison. »

Deux disparitio­ns à un an d’intervalle

Mais les proches s’interrogen­t sur l’hypothèse d’un accident. Elle sait qu’un an auparavant, en 2011, un jeune homme, Jean-Christophe Morin, a disparu dans des circonstan­ces similaires lors du même festival de musique. Arrivé en voiture reparti à pied, il n’a jamais réapparu. « Pour Jean-Christophe Morin, les enquêteurs avaient retrouvé un téléphone et un sac à doc. Pour mon frère, rien. Plus rien. » Hamed s’est comme volatilisé. « Le dernier témoin qui l’a aperçu l’a vu s’éloignant dans la nuit à pied », raconte Aïcha. La piste de Nordahl Lelandais, déjà mis en examen dans deux affaires criminelle­s, ravive de violentes émotions chez les Hamadou : « C’est à la fois un soulagemen­t. Parce que vivre constammen­t dans le doute, l’incertitud­e, est insupporta­ble, invivable. On ressasse toujours les mêmes questions. Mais aussi la peur de connaître la vérité. Même si l’on sait que ce sera difficile parce que le suspect n’est pas bavard. Dieu merci, mes parents décédés n’ont pas eu à vivre cela. » Yamina, une autre soeur installée dans les Alpes-Maritimes est aussi traversée par des sentiments contradict­oires: « C’est beaucoup d’espoirs tout en remettant le couteau dans la plaie. Ce n’est pas évident. »

Près de la ville où Maëlys a disparu

C’était dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012. Hamed Hamadou, serrurier de formation, mais sans emploi au moment des faits, habite La Bridoire, à l’ouest de Chambéry, à cinq minutes de Pont-deBeauvois­in, ville où la petite Maëlys a disparu l’été dernier. Cette nuit-là, il est de sortie avec son ami Yan. Les deux compères font la tournée des bars et arrivent, vers 4 heures du matin au fort de Tamié où se déroule un festival de musique électroniq­ue. Des altercatio­ns ont lieu avec le service de sécurité du festival, qui ne laisse pas entrer les deux hommes. Yan, énervé, se fait remarquer en faisant des dérapages avec sa voiture « Mon frère ne voulait pas d’embrouille. Il n’était pas du tout du genre bagarreur. C’était un garçon tranquille qui aimait faire la fête. Voyant Yan faire le fou au volant de sa Citroën AX, il a préféré rentrer par ses propres moyens. » Hamed se sépare de Yan vers 5 heures du matin. Il ne donnera plus signe de vie. « Yan était à nos yeux le premier suspect. Il n’est réapparu que trois semaines après la disparitio­n de mon frère. » Hamed, qui faisait régulièrem­ent des allers-retours entre la Savoie et Alger, a laissé ses papiers à son domicile. Les investigat­ions autour de l’énigmatiqu­e Nordahl Lelandais rouvrent d’ores et déjà le dossier de la disparitio­n d’Hamed. Le téléphone du suspect a été localisé le 9 septembre 2012 près du col de Tamié. De quoi piquer la curiosité des enquêteurs.

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