Catalogne : l’Europe à l’épreuve
Il se pourrait bien que figure un jour comme une date-clé dans les livres d’Histoire. Nul ne peut encore le dire avec certitude mais l’année qui s’achève voit l’ébranlement des Etats-nations, fruits de la Révolution française et du XIXe siècle. Ce n’est pas encore un tremblement de terre dévastateur mais un séisme de forte amplitude qui aura traversé toute l’Europe au cours des douze derniers mois et dont la Catalogne constitue l’incontestable épicentre. La victoire en sièges remportée ce jeudi par les partis indépendantistes installe une grande confusion en Espagne, voire l’aggrave, tant les Catalans apparaissent, à travers cette consultation, divisés en deux camps à peu près d’égale importance en suffrages. Le refus de Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, de dialoguer avec le leader indépendantiste Carlos Puigdemont, sous le coup d’un mandat d’arrêt espagnol et à l’abri en Belgique, confirme l’impasse dans laquelle s’installent les deux camps. Madrid tient à faire de cette affaire une question de politique intérieure. Les indépendantistes s’emploient à l’internationaliser pour obtenir ainsi une forme de reconnaissance. Mais c’est tout l’édifice de l’Etat espagnol qui est ébranlé et l’idée même de nation espagnole. Cette situation, de toute évidence, inquiète fortement l’Europe. Bruxelles, qui a compris le piège qui lui est tendu, refuse de dialoguer avec les indépendantistes, affirmant comme Madrid qu’il s’agit d’une affaire intérieure. Tous les dirigeants européens sont, au demeurant, sur cette ligne, solidaires derrière Rajoy. Car tous ont plus ou moins à gérer des mouvements séparatistes. L’Italie, la Grande-Bretagne, la Belgique mais aussi la France. Les nationalistes corses ont pris le pouvoir début décembre sur la totalité de leur île et leur démarche d’autonomie est également une brèche dans l’idée d’Etat-nation français. Emmanuel Macron ne pourra pas éviter de s’emparer de ce sujet. La fermeté espagnole a
« Tous les dirigeants européens sont, au demeurant, sur cette ligne, solidaires derrière Rajoy. »
montré que cette voie est difficile à imposer face à des populations déterminées. Les Corses le sont tout autant que les Catalans. En vérité, ils savent bien que l’île de Beauté ne peut vivre toute seule mais ils cherchent à arracher une autonomie qui leur laisserait les mains libres avec, néanmoins, la garantie du parachute français. Autant dire le beurre et l’argent du beurre. Paris peut-il tout leur céder? Un bras de fer, sans nul doute, va là-aussi s’engager. Mais c’est bien toute l’Europe qui est tirée à hue et à dia. Les Etats-nations fondent l’UE mais elle les a affaiblis. Elle découvre aujourd’hui leur fragilité face à des risques de dislocation qui pourraient remettre en question sa propre architecture et son principal acquis : la paix dans la stabilité.