«Comment je suis devenu non-fumeur»
Le 17 avril 2013, j’ai arrêté de fumer. Non. Pour être tout à fait exact, le 17 avril 2013, je suis devenu non-fumeur. La différence est de taille. Dans ma longue vie d’accro à la cigarette, addiction qui a pris naissance à l’adolescence autour du lycée Renoir, à Cagnes-sur-Mer, j’ai régulièrement arrêté de fumer. Comme tout fumeur qui se respecte, il est arrivé que ce soit un 1er janvier, la date de toutes les bonnes résolutions. Le déclic calendaire qui ouvre les perspectives les plus enthousiasmantes l’espace de quelques heures. On décide soudainement de se mettre au sport – « non, vraiment, pour de bon cette fois-ci » –; de se lancer dans un régime après avoir pris peur devant le miroir, un matin d’après-réveillon de Noël ; d’arrêter de fumer. Et on écrase sa clope au terme d’une grosse nuit de fiesta.
Tentatives multiples
J’ai arrêté de fumer un 1er janvier, il y a un paquet d’années. Et j’ai repris. J’ai arrêté de fumer aussi par périodes, de quelques jours à quelques mois, épuisé par cet esclavage de chaque instant, cet asservissement permanent. J’ai arrêté de fumer pendant trois ans, aussi, après la naissance de mon fils. Cette fois-là, le déclic a été fort. Je n’ai pas supporté la grimace de mon petit garçon respirant mon abominable haleine de fumeur, un soir, après une longue journée de travail et deux paquets de cigarettes avalés. Mais j’ai repris au bout de trois ans. Trois années au cours desquelles je n’ai jamais véritablement coupé avec le tabagisme. Sans toucher une cigarette, je luttais quotidiennement contre l’envie d’en allumer une, je suivais à la trace un fumeur dans la rue pour respirer la fumée dans son sillage, je savais que je pouvais sombrer à nouveau pour un oui, pour un non. Les patchs, chewing-gums à la nicotine, sucettes de toutes les couleurs, bâtons de réglisse, cigarettes à l’eucalyptus – la cigarette électronique n’était pas encore née – et autres artifices homéopathiques ne m’ont été d’aucun secours. J’ai repris.
La bonne
Et puis, le 17 avril 2013, je suis devenu non-fumeur. Par quel miracle ? J’ai lu un livre signé Allen Carr, intitulé La méthode simple pour en finir avec la cigarette.
Pour être franc, je ne sais pas si ce livre, très mal écrit, répétitif, aux allures de manuel sectaire destiné à bourrer le crâne du fumeur, est à 100 % responsable de ce bonheur infini d’avoir basculé dans le monde des non-fumeurs. Chacun y trouve ce qu’il veut, car chaque fumeur est différent, chaque relation avec la cigarette est particulière, intime. Pour ma part, la méthode de ce Londonien – un ancien gros fumeur qui a arrêté à 49 ans mais est toutefois mort d’un cancer du poumon à 72 ans – m’a fait réaliser deux choses extrêmement simples mais déterminantes. 1. Fumer ne sert à rien, n’apporte rien. J’ai cru le contraire pendant presque trente ans, avant de réaliser que toutes les bonnes excuses que je me trouvais – ça réchauffe, ça calme, c’est indissociable du café et de l’alcool, c’est bon après le repas, c’est convivial avec les potes, c’est cool après l’amour, et puis de toute façon il faut bien mourir de quelque chose… – étaient autant de moyens de m’autoriser à m’empoisonner à petit feu. 2. Arrêter la cigarette est facile. La dépendance à la nicotine, la seule substance qui crée l’addiction physique, disparaît au bout de quelques jours. La seule véritable dépendance est dans la tête. Ces deux évidences bien ancrées, je suis devenu non-fumeur très facilement. Presque cinq ans plus tard, pas une seconde je n’ai eu envie de reprendre une cigarette, et il ne s’est pas passé une journée sans que je me réjouisse d’être libéré de cette addiction.