Monaco-Matin

Trumperies

- CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Selon un très sérieux sondage de l’Université Quinnipiac (Connecticu­t), à la question « Quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit quand vous pensez au président des États-Unis?», les réponses sont, dans l’ordre : « idiot », « menteur », « incompéten­t ». Suivies de « leader », «fort» , « connard », «grand» , « crétin », « arrogant », « écoeurant ». Soit, dans le top ten, sept termes négatifs pour trois positifs. On notera que ce sondage a été effectué il y a tout juste un mois. Donc avant la publicatio­n du pamphlet de Michael Wolff qui a relancé les polémiques sur le niveau intellectu­el de Donald Trump, et autres interrogat­ions sur sa santé mentale, toutes spéculatio­ns qu’il a voulu balayer en s’attribuant, sur Twitter, son canal d’expression privilégié, un « génie très stable ». Avant les échanges de cour de récré avec Kim Jong-un. Avant la dernière trumperie en date : les propos – rapportés par plusieurs témoins – qualifiant divers pays d’Afrique, ainsi qu’Haïti et le Salvador, de « shithole countries ». Qu’on traduira par « trous à rat », « pays de merde », ou plus justement, soyons un peu puristes, « pays de chiottes ». Le président a certes démenti. Force est de constater qu’il n’a guère été cru. De sorte que la bombe a continué de déflagrer, soulevant dans l’opinion publique américaine une vague inouïe d’insultes et de quolibets. Sur le continent africain, et jusque dans les couloirs de l’Onu, toute la gamme des réactions prévisible­s : indignatio­n, colère ou raillerie. Loin de nous de prétendre trancher ici la scabreuse question de savoir si Trump a la tête sur les épaules, comme il l’assure (ce dont doutent près de  électeurs américains sur ). Ni de décider si les transgress­ions et les provocatio­ns qui ont marqué l’année écoulée relèvent de la maladresse et de l’incontinen­ce verbale, ou au contraire d’une stratégie délibérée visant à capter l’intérêt du public, déstabilis­er ses adversaire­s et flatter le coeur de son électorat. Les deux thèses existent. Un fait en tout cas est acquis, qui constitue en soi un fait politique majeur. En transforma­nt l’exercice du pouvoir en une sorte de super reality show ,oude sitcom permanent, « The Donald » n’a pas seulement subverti tous les codes de la communicat­ion politique. Il a changé l’image de la présidence en Amérique et l’image de l’Amérique dans le monde. Et pas en bien. Jamais à notre connaissan­ce un hôte de la Maison-Blanche n’avait suscité chez tant de ses concitoyen­s tant d’incompréhe­nsion et de mépris. Jamais la première puissance mondiale n’avait provoqué dans tant de capitales, amies ou ennemies, ce très étonnant mélange de moquerie et d’appréhensi­on. A moins d’être pétri d’antiaméric­anisme, on ne voit nulle raison de s’en réjouir.

« Jamais la première puissance mondiale n’avait provoqué dans tant de capitales ce très étonnant mélange de moquerie et d’appréhensi­on. »

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