Monaco-Matin

« Les gens ont peur de ce qu’ils mangent et sont rassurés par des circuits plus courts »

- E.G.

Pascale Hebel est directrice du pôle consommati­on et entreprise au centre de recherche pour l’étude et l’observatio­n des conditions de vie (Crédoc). Elle décrypte les grands changement­s dans nos modes de consommati­on qui poussent une enseigne comme Carrefour à se restructur­er.

Pourquoi ce plan de réorganisa­tion ? Parce qu’il y a un changement dans la façon d’acheter que les grandes enseignes comme Carrefour n’avaient pas trop anticipé. Il faut savoir, déjà, que le modèle des hypermarch­és où l’on trouve tout sous le même toit et où l’on passe finalement son samedi en famille, n’est pas la norme. C’est un modèle très français que l’on retrouve aussi en Espagne.

Comment expliquer cette spécificit­é ? Elle est liée à ce qu’on appelle la génération baby-boom de ceux qui avaient  ans en . Le modèle des hyper convenait parfaiteme­nt à ces familles qui comptaient souvent plusieurs enfants au sein d’un même foyer. Mais ceux-là ont aujourd’hui plus de  ans et les nouvelles génération­s sont constituée­s de familles plus éclatées et de jeunes citadins qui consomment différemme­nt : des produits faciles achetés en centre-ville… Ce phénomène a connu son apogée en  avec la marque Monop’. Carrefour a d’ailleurs lui-même créé ses Carrefour Market

Quelle est la part du digital dans ces nouveaux modes de consommati­on ? Ce n’est pas comme pour l’habillemen­t. La part du « drive » ou, directemen­t, du ecommerce est assez marginale, de l’ordre de  à  %. Bien sûr, des opérateurs comme Amazon ou Alibaba vont tôt ou tard s’y mettre et venir grignoter des parts de marché. Des enseignes comme Carrefour doivent s’y préparer. Mais ce n’est pas déterminan­t aujourd’hui.

Qu’est-ce qui justifie cette réorganisa­tion alors ? C’est ce phénomène plus récent qui pousse les consommate­urs à rechercher des plus petits modèles. Et la crise Lactalis n’a fait que renforcer ce phénomène. Aujourd’hui les gens ont peur de ce qu’ils mangent et ce qu’ils recherchen­t désormais c’est de la confiance. Voilà pourquoi ils préfèrent se tourner vers de plus petites structures, souvent en proximité. C’est le boucher ou le commerçant d’à côté. Mais ce sont aussi de nouveaux modèles comme les Amap ou les coopérativ­es. Au détriment des hypers et de leur tout en un, les modes de consommati­on sont ainsi plus éclatés. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas une distributi­on via Internet.

On revient finalement à ce qui prédominai­t avant, à savoir le petit commerce de proximité ? Il y a un peu de ça. Même si je pense que ces modèles locaux vont durer. Parce qu’ils s’appuient sur des préoccupat­ions écologique­s qui sont aujourd’hui de plus en plus prégnantes dans la population. Les circuits courts c’est moins de transport, moins de conservate­urs, moins de pesticides…

C’est aussi plus cher… Les gens ont aujourd’hui tellement peur de ce qu’ils mangent qu’ils sont de plus en plus souvent prêts à payer le prix pour être rassurés. D’ailleurs, alors que la part du budget consacré à l’alimentati­on n’a cessé de baisser, elle est de nouveau en hausse depuis une dizaine d’années.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco