Crash de la Germanwings: «Il manque le mot de la fin»
Il y a trois ans, le 24 mars 2015, le vol Barcelone-Düsseldorf s’écrasait dans les Alpes du sud, faisant 149 victimes, par la folie d’un homme. Un livre revient sur la part de mystère qui reste
Il confesse une sorte de fascination pour les tueurs de masse. Dans Le Diable du ciel, Laurent Obertone s’est glissé dans la peau d’un enquêteur après le crash de l’A320 de la Germanwings. L’auteur, qui fut journaliste, revendique à la fois la narration d’un roman, mais aussi la véracité de tous les points factuels de son livre. Trois ans après le crash qui coûtait la vie à 149 passagers, retour sur l’enquête autour du vol de la Germanwings. Et sur le plus invraisemblable des suicides, celui d’un pilote de ligne allemand, Andreas Lubitz, dans un vallon montagneux des Alpes-de-Haute-Provence. D’abord, un peu comme tout le monde, j’ai découvert le crash à la radio. J’ai des contacts intéressants au Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) dans l’aviation, ce qui m’a permis d’obtenir des informations de première main. Ce qui m’a intéressé, c’est cet individu, en apparence très normal, mais pour qui tout va être multiplié par cent. Il va faire non pas une petite, mais une énorme dépression. Et au lieu de se suicider, seul, il suicide avec lui personnes.
C’était donc une matière journalistique, ou fictionnelle ? C’est écrit de manière romancée, dans la tête d’un enquêteur qui raconte à la première personne. Toutes les informations sont réelles et le fruit d’un travail d’enquête, mais avec un parti pris littéraire. On sent qu’il y a un mur entre nous et cet homme, Andreas Lubitz. On n’arrive pas à suivre son passage à l’acte.
Vous racontez la dérive d’un homme, en même temps que les failles d’un système... Dès le début, il y a un énorme problème. Sa licence de vol est validée par l’administration américaine, alors qu’il souffre de dépression et de troubles psychologiques. [En Allemagne], son psychiatre a rendu service à son client (sic), en le proclamant apte à reprendre sa formation de pilote. Il a voulu être compréhensif, ne pas trop charger son dossier. Puis Lubitz a menti sur sa dépression. Le secret médical lui a permis de passer entre les mailles du filet. Le BEA a recommandé d’assouplir les contraintes du secret médical. C’est effectivement difficile à admettre. Nous connaissons tellement de gens qui brandissent l’idéologie pour justifier leur acte. Mais là, le silence a bien plus de résonance. Car Andreas Lubitz n’a même pas laissé d’explication à ses proches – c’est encore plus terrifiant. Il avait la volonté de mourir, mais pas tout seul. C’est le même processus de passage à l’acte que les tueurs de masse.
Quelle vérité manque-t-il à ce dossier ? Il manque le mot de la fin. Et lui seul pouvait le dire. Son acte est-il le fruit de sa douleur absolue, sans réfléchir à ses conséquences ? Ou bien la volonté diabolique de devenir « le diable du ciel » (« Skydevil » était son pseudo sur sa tablette) ? De faire un coup d’éclat, de prou ver au monde entier sa mégalomanie, en trompant ses proches, en trompant la compagnie aérienne. En retournant cette confiance que les passagers accordent en montant dans un avion. Un acte terrible. Le crime constitue une rupture qui nous apprend beaucoup de choses sur la nature humaine. Pourquoi des individus insérés, avec une situation sociale, vont-ils décider de planifier un crime invraisemblable et de transgresser tous les tabous ? Pourquoi voit-on autant de jeunes, par exemple dans la dérive islamiste, pensant devenir des surhommes dans la mort ? Avec l’idée que « le monde doit savoir que j’existe, le monde connaîtra mon nom et je serai récompensé par la mort ». C’est une question importante à poser à nos sociétés. Le Diable venu du ciel, éditions Ring, 18 de Laurent Obertone, aux