Monaco-Matin

Efficace dans  % des cas

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Il est 8 heures, après nous être « habillés », nous emboîtons le pas au Dr Christophe Quaglia, qui se dirige vers la salle de réveil du bloc opératoire de la clinique SaintFranç­ois, centre de référence de l’électro-convulsivo­thérapie (ECT) dans les A.-M. Trois patients l’attendent. Anesthésis­te, infirmière de bloc, aide-soignante sont déjà présents et s’affairent autour d’eux. Gestes précis dont on devine qu’ils ont été maintes fois répétés. L’établissem­ent, réputé pour son expertise dans la prise en charge des dépression­s très sévères et résistante­s aux traitement­s convention­nels, voit des patients affluer de tout le départemen­t. Nombre d’entre eux, à l’instar des deux femmes et du jeune homme allongés sur des brancards, se sont vu prescrire des séances d’ECT, après que toutes les autres approches thérapeuti­ques se sont révélées inefficace­s. C’est leur médecin qui les a adressés au Dr Quaglia. À l’annonce, toujours la même réaction effrayée. Compréhens­ible. La sismothéra­pie est plus connue sous le nom de traitement par « électrocho­cs ». Survivance d’une psychiatri­e archaïque, d’un autre siècle, dont la peinture effrayante dans des oeuvres comme Vol audessus d’un nid de coucou a marqué les esprits. Tout autre décor ce matin. Les séances se déroulent dans un cadre médicalisé, très sécurisé. Les patients, qui sont tous hospitalis­és, ont bénéficié d’examens complets pré-thérapeuti­ques pour s’assurer qu’ils ne L’applicatio­n d’un courant électrique faible pendant  à  secondes provoque une crise convulsive thérapeuti­que contrôlée.

présentent aucune contre-indication à la sismothéra­pie: «scanner cérébral, électrocar­diogramme, fond d’oeil, bilan sanguin, consultati­on anesthésiq­ue…», énumère le Dr Quaglia, qui a vérifié les résultats et validé la prescripti­on d’ECT plusieurs jours avant la séance. De leur côté, les anesthésis­tes s’assurent que les patients, endormis au moment de l’impulsion électrique, ne ressentent aucune douleur (lire ci-dessus).

Pas un « lavage de cerveau»

Julien, la trentaine est néanmoins très nerveux. «C’est sa première séance, il craint de ressentir quelque chose », commente en aparté le

DrQuaglia. Julien s’inquiète aussi de la suite, même si le Dr Quaglia s’est efforcé la veille au soir de le rassurer au mieux. Sylvette et Martine deux septuagéna­ires azuréennes, sont plus sereines. Elles ont déjà «quelque expérience» de ces séances, qui leur ont été prescrites après échec des traitement­s antidépres­seurs les plus puissants. « Jamais ces séances ne sont proposées à la légère, en 1re ou 2e intention, ou à la demande d’un patient», insiste le Dr Quaglia. Nul ne l’ignore, la sismothéra­pie n’est en effet pas dénuée d’effets secondaire­s, même si ceux-ci sont moins graves que certaines rumeurs ne le suggèrent. «Le lendemain, les patients peuvent présenter de faibles Toujours réalisée sous anesthésie générale très brève ( à  minutes), l’ECT est basée sur l’applicatio­n, au niveau temporal, d’un courant électrique faible, inoffensif et pendant une période très réduite ( à  secondes). Il se produit alors un équivalent de crise convulsive qui dure de  à  secondes. « Cette stimulatio­n électrique provoque au niveau du cerveau le relargage massif et dans un temps très court de neurotrans­metteurs », détaille le Dr Quaglia. Deux à trois séances par semaine (espacées) sont généraleme­nt proposées, avec une réévaluati­on quotidienn­e par le médecin. La durée de la cure est établie au cas par cas, selon les résultats observés : « Certains patients vont mieux au bout de  séances, pour d’autres,  séances sont nécessaire­s, mais nous n’allons quasiment jamais au-delà de . » « Les effets de cet orage de neurotrans­metteurs sur les troubles sont assez empiriques, reconnaît enfin le Dr Quaglia. Mais les faits sont là :  % d’efficacité après une cure. »

céphalées, être éventuelle­ment très légèrement confus, anesthésie oblige. Mais surtout, pendant toute la période de la cure, ils présentent assez souvent des troubles mnésiques : ils ne se souviennen­t pas forcément qu’ils ont eu de la visite par exemple, ou de ce qu’ils ont regardé à la TV, de ce qu’ils ont mangé, etc. Mais, soyons précis, il ne s’agit pas d’un “lavage de cerveau”; le malade ne va pas oublier sa famille, son passé, sa vie ou son nom…» Il reste que la mauvaise image des électrocho­cs incite les instances qui autorisent les établissem­ents à pratiquer cette technique à leur imposer une surveillan­ce étroite et un cahier des charges très complet. Nous revenons vers Julien. «Ouvrez la bouche, et mordez», lui demande l’anesthésis­te qui place les protection­s dentaires, avant d’injecter l’anesthésia­nt, puis le curare. «Il s’agit de limiter la contractio­n musculaire

pour éviter qu’au moment de l’impulsion électrique, un mouvement trop important n’aboutisse à une lésion musculo-squelettiq­ue.» Quelles suites pour Julien, Sylvette ou Martine ? Secret médical oblige, la réponse du Dr Quaglia est générale : « En cas de dépression isolée, on peut proposer après ces séances, un relais par des antidépres­seurs, soigneusem­ent sélectionn­és. Pour les malades chroniques ou présentant des intoléranc­es aux antidépres­seurs, des séances de rappel à distance peuvent être proposées.» Tous y adhèrent. Quels choix la souffrance psychique, probableme­nt la plus terrible de toutes les douleurs, laisse-t-elle ? 1. Le prénom a été modifié.

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