CONGRÈS ANTI-ÂGE DE MONACO Les vendeurs de placenta bannis
L’affaire des produits de beauté illégaux vendus lors du Congrès de médecine esthétique et anti-âge est restée en travers de la gorge du gouvernement, qui planche sur les poursuites pénales à donner
Ceux-là, ils nous ont surpris… » Directeur de l’Action sanitaire, Alexandre Bordero n’avait jamais vu ça et se serait bien passé de pareille polémique. En fin de semaine dernière, ses équipes ont dû intervenir à deux reprises au Grimaldi Forum où, sous couvert du Congrès de médecine esthétique et anti-âge, une société japonaise marchandait des médicaments et compléments alimentaires à base d’extraits de placenta humain ! Les saisies effectuées, l’heure n’est plus à la complainte mais à l’action. La sanction au nom d’un gouvernement princier qui entend bien marquer son intransigeance à l’égard de tels comportements.
« Ils avaient des stocks cachés »
« On a été avertis par des autorités extérieures qu’il y avait ces produits. On a envoyé le pharmacien inspecteur le premier jour (jeudi matin), qui les a fait enlever et les a mis dans les bureaux de la direction du Grimaldi Forum, poursuit Alexandre Bordero .Il nous a signalé la présence de compléments alimentaires pour lesquels on a envoyé la DSSA (Division de sécurité sanitaire et alimentaire) mais on est tombé sur des gens de mauvaise foi. Ils avaient des stocks cachés et ont ressorti des médicaments après notre venue… » À nouveau mises au parfum, les Affaires sanitaires retournent sur site le vendredi aprèsmidi. «On a “ré”-enlevé les produits et dû aller, pratiquement de force, fouiller des placards qu’ils avaient dans le Grimaldi. Quand on a voulu regarder les boîtes, ils nous barraient l’accès ! » Derrière cette résistance, une combine manifestement éprouvée… Jusqu’à émettre de fausses déclarations. «Il y avait beaucoup plus de compléments alimentaires qu’on l’imaginait et ils avaient été introduits sous le régime des échantillonnages. » Étonnamment, une dérogation, même pour du placenta humain, aurait d’ailleurs pu être accordée sous cette forme. Pour les compléments alimentaires du moins, pas les médicaments. À une condition non négociable: que les produits ne franchissent pas les portes du salon. Non seulement ils l’ont fait, mais pas sous forme d’échantillons. «Et ils ont vendu à tour de bras, on y est donc retourné pour saisir et j’espère qu’on a tout saisi. »
boîtes saisies !
Difficile de savoir quelle quantité a pu être précisément écoulée, mais 2302 boîtes de compléments alimentaires ont été saisies! A 80 euros l’unité… Et sans compter les médicaments… Les deux étant interdits à des titres différents, puisque relevant de régimes légaux distincts (lire ci-dessus). Témoin de cette magouille vendredi, notre journaliste et notre photographe avaient assisté à des ventes de boîtes avant que, se sachant photographié, un homme ne retire ces élixirs de jouvence des rayons et affirme, sans effet de manche, que ces produits estampillés Japan Bio Products (JBP) étaient « des extraits de pur placenta humain de donneuses japonaises ». Autrement dit, des cellules humaines à appliquer sur d’autres corps humains. Beurk… «C’est tout à fait légal en Europe, se justifiait l’anonyme représentant de JBP. Sauf pour les compléments alimentaires pour lesquels nous n’avons pas encore la licence.»
« L’organisation a été surprise »
Ces mêmes compléments pourtant vendus aux yeux de tous et objets « d’un certain nombre de bons de commande». Sans compter les centaines de cartes de visite diffusées en vue de ventes en ligne. Une attitude fustigée par le conseiller de gouvernement-ministre des Affaires sociales et de la Santé, Didier Gamerdinger, qui souhaite « répondre pénalement » à ce scandale
sanitaire. « Sous forme d’amende a priori, on est en train d’étudier juridiquement car c’est un cas de figure qui n’est pas courant», confie Alexandre Bordero, dédouanant l’organisation de l’événement. « Nous avions procédé à un contrôle sanitaire la veille, le Congrès est organisé par des médecins et chapeauté par l’Université de Nice… L’organisation s’est juste fait avoir par ces gens de très mauvaise foi. Elle a été surprise. » Si des interventions, comme des contrôles sur les démonstrations d’injections, avaient déjà eu lieu les années précédentes, jamais aucune saisie n’avait été opérée. Une première qui implique une jurisprudence à la hauteur. « Ils ne seront pas au prochain salon, ça, c’est sûr », prévient Alexandre Bordero. Ajoutant : « C’est très mal perçu par les autres exposants qui suivent les règles. »