Au tour des avocats mentonnais de se mettre en grève
La protestation contre la réforme de la justice s’étend à Menton. Hier au tribunal d’instance, les avocats se sont mobilisés pour préserver cette juridiction de proximité
Hier, à 14 h 30, rue Prato. Derrière les portes du tribunal d’instance de Menton, les avocats mentonnais confirment publiquement leur volonté de se mobiliser à leur tour contre la nouvelle réforme de la justice enclenchée par le président Macron. Quelques jours après leurs confrères niçois, qui se sont mis en grève, ils se retrouvent en rangs serrés et solidaires dans la salle d’audience, pour exprimer eux aussi leurs grandes inquiétudes à l’égard de ce projet. Tandis qu’une pétition trône sur la table d’entrée et qu’une lettre ouverte est affichée aux yeux du public, l’ambiance solennelle qui règne déjà habituellement dans la salle d’audience est alors à son apogée. Et avant même de prendre la parole, ils sont soutenus dans ce combat « pour une justice forte, de qualité et respectueuse des droits » par deux alliées importantes: la présidente du tribunal d’instance de Menton, Mélanie Cabal et l’avocate Mireille Damiano venue en représentante du Conseil de l’ordre des avocats de Nice.
Des répercussions sur les dossiers en cours
Se levant face au public, la présidente de la juridiction mentonnaise annonce d’emblée : « Certes, nous ne disons pas que rien n’est à changer. Au contraire, la justice doit évoluer, progresser, se moderniser et répondre aux besoins de la société et des justiciables. Et nous sommes prêts à nous y associer. Mais le projet présenté nous inquiète, d’autant qu’aucun personnel de droit – magistrats, greffiers, avocats… – n’a été consulté. »
Dans ce tribunal de proximité, où «800 décisions annuelles sont rendues sur le plan civil, qui permet d’accéder à une justice de bonne qualité et de suivre au quotidien 1 200 personnes vulnérables » ,les questions sont multiples, selon la présidente : « Que va-t-il advenir de la justice de proximité ? quel accès au juge ? quelle gratuité ? quelle qualité ? » Autant d’interrogations que tous les acteurs de la justice se posent et qui justifient selon eux ce mouvement de grève national, qui aura forcément des répercussions sur les affaires en cours. Tout en faisant valoir son droit de réserve, la présidente précise néanmoins : « Je m’associe à ce mouvement et n’opposerai aucun obstacle à toutes les demandes de renvoi formulées. » Avant ses confrères mentonnais, Me Mireille Damiano enchaîne : « Nous sommes face à un projet ”destituteur” de la justice… Et alors qu’on nous assure qu’il n’y aura pas de fermeture, ni de déplacement des juridictions, il faut bien se rendre à l’évidence que les tribunaux d’instance et de proximité seront anéantis dans cette réforme, et que les justiciables devront aller chercher bien loin de chez eux un juge… Il n’est pas normal d’installer des déserts juridiques propices à la déshumanisation de la justice. » L’avocate fait ainsi allusion à la mise en place de « plateformes privatisées sur internet pour gérer les requêtes ». C’est pourquoi «le barreau de Nice a entamé une grève illimitée. Il ne s’agit pas d’une démarche corporatiste, mais véritablement de faire partager nos préoccupations sur le sens du justiciable…» Me Damiano ajoute : « Nous sommes conscients des troubles mais notre souci est de préserver en qualité vos droits. »
« Préserver notre juridiction de proximité »
Au nom des avocats mentonnais, Me Michel Rovère intervient à son tour. Évoquant son attachement à la juridiction mentonnaise, il n’a pas manqué de rappeler qu’elle a déjà souffert en 2009 d’un découpage qui l’a amputée des tribunaux de commerce et des prud’hommes. « Nous allons faire en sorte de préserver notre juridiction, c’est important pour la population mentonnaise et du bassin mentonnais. Et nous allons nous battre pour que, dans cette réforme, nous soyons entendus, afin que le tribunal de Menton puisse oeuvrer et perdurer dans le bon sens des choses. » Me Nicolas Mattéi, jeune avocat mentonnais, est très en colère face à « un projet de loi exécuté de façon scélérate… Il est contraire aux intérêts du justiciable, car il tire dans tous les sens et n’apporte pas vraiment de solution ! » Un combat qu’il entend mener en montant à Paris, mais qui s’avère rude, reconnaît-il, d’autant qu’il est encore «inaudible avec le mouvement des cheminots et des étudiants ».