Monaco-Matin

Un chef au grand «choeur»

Romano Pini est le maestro du choeur polyphoniq­ue de Vintimille depuis 43 ans. Il jouera ce soir à Menton. Cet ancien chanteur lyrique a prêté sa voix à de grands opéras et côtoyé de grands artistes

- STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr Photo : MICHAEL ALESI

Le goût pour le 4e art est souvent une affaire de famille. Mais l’air fredonné de génération en génération peut parfois s’enrouer de quelques fausses notes… « Mon père m’a fait découvrir et aimer la musique. Il adorait ça mais il chantait horribleme­nt mal. Les titres de Tino Rossi en ont fait les frais ! », s’exclame avec un trait d’humour, le musicien italien, Romano Pini. L’artiste parle parfaiteme­nt français. Avec un petit accent aux notes… chantantes. Âgé de 81 ans, le chef du choeur polyphoniq­ue de Vintimille donnera un concert à l’église du Sacré-Coeur de Menton, ce soir. Plus de cinquante choristes, solistes et musiciens seront sous la direction du maestro pour la 6e édition du Festival de chant et musique sacrés. «Pas question d’avoir une baguette comme un chef d’orchestre. Durant la représenta­tion, les artistes suivent surtout la rondeur de mes gestes et le léger fredonneme­nt de ma voix… », détaille l’ancien chanteur lyrique en mimant les mouvements réalisés avec précision. Soixante ans de carrière musicale. Sans fausse note. Mais quelques partitions de vie oubliées. Depuis le salon de sa vaste maison – couleur orangée – de Vintimille, Romano Pini fouille dans son imposante bibliothèq­ue aux bordures boisées. Entre les ouvrages dédiés à Puccini, Mozart ou Verdi, Romano Pini cherche son précieux curriculum vitae. « C’est compliqué de me rappeler de tous les concerts. Il y en a eu beaucoup… », s’excuset-il derrière sa casquette beige qui couvre ses tempes grisonnant­es. Et sa femme, la Mentonnais­e Jacqueline Pini, de justifier dans un clin d’oeil amusé : « C’est un artiste. Il est souvent dans sa bulle. Et dans cette bulle, il ne retient aucune date!» Le sourcil en forme de circonflex­e, Romano Pini ponctue d’un revers de la main : « Je me rappelle de certaines choses quand même! Déjà, j’ai commencé à chanter à l’âge de 18 ans…» Sans CV, le disque de vie de Romano Pini est lancé… Originaire de Bordighera, le jeune artiste chante comme soliste à l’église de Vintimille durant les fêtes de Noël et les célébratio­ns. Puis, Romano entame des études au conservato­ire de Parme. À l’époque, l’apprenti artiste étudie avec un élève appelé… Luciano Pavarotti. « Il n’était pas très fraternel et plutôt solitaire. Il était sûr de ces capacités et d’arriver à devenir l’un des meilleurs ténors au monde. Et il avait eu raison ! » En parallèle de sa formation musicale, le jeune ténor cumule les casquettes. Il obtient un diplôme en droit et travaille comme expert commercial chez Fiat. Puis, il devient chef d’entreprise et reprend la boutique de photograph­ies de son père. Entretemps, il décroche un diplôme d’opticien pour élargir le domaine d’activité de la boutique familiale «Studio Pini ». Il peint des portraits au style classique qu’il vend lors d’exposition­s… Au cours de ses multiples vies – menées tambours battants – et après la naissance de ses enfants, la musique n’a jamais cessé de rythmer son quotidien. « Mais ce n’est qu’à l’âge de 30 ans que j’ai commencé à chanter à l’opéra… la première fois, c’était à Nice. » Il fait une apparition dans La Flûte enchantée de Mozart. Puis les concerts s’enchaînent. Rigoletto de Verdi à l’opéra de Montpellie­r, Manon Lescaut de Puccini à l’opéra de Marseille… Romano Pini obtient son premier grand rôle pour L’Heure espagnole de Ravel à l’opéra de Monaco. « C’était impression­nant de jouer devant une salle avec autant de monde. Je n’avais pas peur de la fausse note mais surtout de ne pas chanter assez fort ! » Il côtoie les plus grands comme la soprano italienne Renata Scotto et le baryton français Ernest Blanc. Sa plus rencontre restera celle avec le ténor Giuseppe Giacomini. « C’était un homme bon et très brillant. Mais trop gentil dans le milieu de la musique où il faut avoir une personnali­té très affirmée pour réussir. » Le célèbre chef d’orchestre italien Alberto Erede devient un ami proche de Romano. « Il mangeait souvent à la maison. Il avait un caractère de feu. Et avec le temps, son physique ressemblai­t à calui de Giuseppe Verdi: petit, rond et barbu. » C’est dans ce quotidien effréné que Romano Pini croise la route du choeur polyphoniq­ue de Vintimille alors composé d’une dizaine de solistes. « C’était durant les fêtes de Noël. Un jour on m’a demandé de remplacer au pied levé le responsabl­e du choeur qui était aux urgences de l’hôpital… » Le maestro de l’époque a été attaqué par un voyou à l’arme à feu ! Plusieurs balles l’atteindron­t. « Il s’en est sorti mais j’ai dû diriger le choeur en son absence. Après plusieurs mois, il a décidé de ne pas revenir. » En 1975, Romano Pini décide alors de donner de la voix au choeur de Vintimille. «Il fallait élargir le répertoire et placer la barre haute.» Plus de quarante ans plus tard, le choeur de Vintimille participe régulièrem­ent des concerts en Italie, en France, à Monaco et même en Allemagne. «Pour moi, c’est une fierté d’avoir construit un groupe à partir de presque rien. » Et d’évoquer le concert de ce soir en fermant les yeux pour visualiser la scène… «Il ne faudra entendre qu’une seule et même voix et que celle-ci s’ouvre comme un éventail. »

Pavarotti était sûr de devenir l’un des meilleurs ténors au monde. Il avait eu raison ! ”

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