SIGNÉ ROSELYNE
La semaine de Roselyne Bachelot
« Mélenchon traverse un sérieux trou d’air confirmé par toutes les enquêtes d’opinion. »
Lundi
Après la bataille de chiffonniers qui a opposé hier soir dans le majestueux décor du Palais de Chaillot le président de la République à deux journalistes, Messieurs Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, le microcosme médiatique est divisé en deux clans : nos deux compères qui s’estiment purement géniaux sur le mode « grâce à nous, plus jamais l’interview politique ne sera comme avant » et la quasi-totalité de leurs confrères qui s’étonnent ou s’indignent d’une agressivité souvent gratuite, d’incessantes interpellations destinées à faire perdre le fil de son discours à leur victime et d’un questionnement approximatif. Reconnaissons que ni l’un ni l’autre n’ont caché leur engagement partisan transformant ainsi une interview en un pugilat qui m’a rappelé les réunions contradictoires dans des préaux d’école enfumés au bon vieux temps de la castagne idéologique. Pour le reste, au milieu de ce maelström, Emmanuel Macron, bien sage dans son petit costume de jeune marié, a fait face sans peine à un Jean-Jacques Bourdin, hirsute et dépenaillé et à un Edwy Plenel à l’oeil mauvais et affalé sur une table transformée en ring de catch. Tout cela fut finalement assez amusant comme spectacle, navrant comme exercice politique et devrait tourner au bénéfice du président de la République apparu comme l’objet d’une agression peu productive pour éclairer les citoyens. La seule conclusion qu’on puisse en tirer est que nous sommes bien dans le « siècle des malpolis », celui où l’humiliation est devenue un ressort comique, où l’injure est devenue un brevet de courage, où la fausse nouvelle est devenue une forme de la liberté d’expression, où le laisser-aller est devenu le parangon de l’engagement révolutionnaire. Nous avons les misérables exploits que nous nous sommes donnés.
Mardi
Il faut espérer que force restera à la loi et à l’État de droit dans l’affrontement qui oppose les forces de l’ordre et les occupants illégaux du site de Notre-Dame-des-Landes. Ce qui étonne toujours est la vision rousseauiste partagée y compris par des opposants à l’occupation. Selon eux, les zadistes mèneraient une agriculture alternative respectueuse de notre santé opposée aux empoisonneurs patentés que seraient les tenants de l’agriculture dite productiviste. Si cette dernière n’est pas indemne de scandales, les lasagnes à la viande de cheval et le lait contaminé à la salmonelle nous le rappellent, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain et oublier que ces méthodes ont permis à des milliards d’hommes de manger à leur faim avec des produits suffisants en quantité et en qualité. Fautil rappeler les incroyables famines qui ont laminé des peuples entiers au temps des modes de production prônés par nos alternatifs ? Tiens, relisez donc l’admirable Famine de Liam O‘ Flaherty qui décrit l’horrible crise alimentaire en Irlande au milieu du XIX° siècle faisant , million
de morts sur un pays qui comptait alors millions d’habitants, sans compter ceux qui furent alors forcés d’émigrer outre-Atlantique. C’était le bon temps de l’agriculture sans pesticides et sans normes de sécurité…
Jeudi
Jean-Luc Mélenchon défile à Marseille, bien entouré par les drapeaux rouges de la CGT. Cette ambiance sympathique doit le réconforter après tant de déconvenues, défilés maigrichons, huées et exfiltrations peu glorieuses. Méluche, comme l’appellent ses amis, est un homme très intelligent et les mots qu’il prononce sont pesés au trébuchet. Écoutons-le : il parle de coïncidence des luttes et non plus de convergence car il a réalisé, avant les camarades syndiqués, le danger qu’il y a de mélanger grévistes et zadistes, il insiste aussi sur le fait que chaque cahier de revendications doit garder sa spécificité car il sait que le conducteur de TGV ne se reconnaît pas dans les exigences salariales du pilote d’Air France. Surtout, avec une lucidité réjouissante, il reconnaît qu’il s’est comporté souvent comme un éléphant dans le magasin de porcelaine contestataire. Les syndicats exècrent en effet les récupérations politiciennes même et surtout quand elles viennent de sensibilités proches des leurs. Les politiques doivent rester à leur place mais ils se doivent aussi d’offrir à terme une espérance de changement et un débouché électoral. C’est bien là le drame du mouvement social actuel. Ceux qui le soutiennent sont sans avenir dans un paysage partisan dispersé façon puzzle. Marine Le Pen est l’objet d’une détestation absolue de leur part, le PS est empoissé par la loi El Khomri et Olivier Faure, son
nouveau patron, s’est fait vider d’une manifestation où il s’était invité, contraint de se réfugier piteusement dans un estaminet, Mélenchon traverse un sérieux trou d’air confirmé par toutes les enquêtes d’opinion. De l’autre côté de l’échiquier, rien à attendre, LR trouve que les réformes ne sont pas assez dures et a rejoint mardi les troupes de la République en marche pour voter le changement de statut de la SNCF. Dans un pareil contexte, Emmanuel Macron aurait bien tort de se gêner.
Vendredi
Après l’évacuation à l’aube du site universitaire de Tolbiac, ce sont des images de désolation qui font la une des journaux télévisés. Le président de l’université Paris I- Panthéon Sorbonne, Georges Haddad, d’un calme impressionnant, a du mal toutefois à cacher son émotion devant un tel gâchis : murs tagués de slogans infâmes, matériels détruits, cocktails Molotov et armes de guérilla urbaine au milieu de détritus et de matelas souillés dans une atmosphère où les effluves de cannabis le disputent aux lacrymogènes. Les langues se délient, racontant les AG fumeuses et les nuits où la fac se transformait en boîte de nuit alternative entre club échangiste et beuverie. Il y avait belle lurette que le débat sur une prétendue sélection à l’entrée de l’université avait sombré corps et biens entre soutien aux migrants ou réunions « racisées » interdites aux hommes blancs. Une fois de plus, le soutien implicite de certains syndicats - au premier chef, la CGT et SUD - à de telles exactions et la condamnation bien timide des formations réformistes apparaissent incompréhensibles. Comment ne pas s’apercevoir que les zozos de
Tolbiac et d’ailleurs sont les pires ennemis de la classe ouvrière et du mouvement social ? Philippe Martinez ferait bien de relire les déclarations de son prédécesseur Georges Séguy en mai où il dénonçait, parlant de la contestation étudiante, un mouvement qui n’a pas d’autre objectif que d’entraîner la classe ouvrière dans des aventures. Ce matin encore, débattant avec une militante CGT, je reste interloquée devant son refus de reconnaître que le spectacle affligeant des amphis dévastés effraie les citoyens, parents, étudiants, usagers et contribuables même ceux d’entre eux qui sont les plus opposés à la politique du pouvoir en place. La convergence des luttes est bien le pire adversaire des grévistes de la SNCF.
Samedi
Je termine cette semaine dans la confusion sous un flot de nouvelles étonnantes : la Corée du Nord renonce aux essais nucléaires et entend développer une économie socialiste indépendante et moderne (sic…). Donald Trump, que Kim Jongun avait qualifié de psychopathe, s’est réjoui de rencontrer bientôt celui qu’il avait traité de petit gros après avoir assuré que son bouton - nucléaire s’entend - était plus gros que le sien, ce qui semble donc se confirmer. Nous apprenons que Manuel Valls songerait à se présenter à la mairie de Barcelone, ce qui devrait réjouir les nombreux adversaires qu’il s’est ingénié à collectionner dans tous les camps politiques. Cerise sur le gâteau, il a été retrouvé des déclarations percutantes du chantre de la France insoumise (LFI) le journaliste Thomas Guénolé, qui, il y a deux ans, proclamait : « Sélectionner à l’entrée de l’université, c’est respecter les jeunes ! » Il paraît que ce Monsieur est responsable de l’école de formation de LFI. Vous voyez bien que nous vivons une époque merveilleuse où tout devient possible...