La «Marseillaise», hymne national grâce à un Escragnollois
Qui connaît la rue Thubaneau à Marseille ? Elle est située dans le quartier Belsunce, entre la gare et le port, non loin de la Canebière, grouillante de vie, maculée de tags, sillonnée d’une rigole comme dans les rues du Moyen Âge. Du XVIIIe à la fin du XXe siècle, elle faisait partie des quartiers chauds de la ville. «Faire la rue Thubaneau » signifiait « faire le trottoir ». Au numéro 23 se trouvait une salle de jeu de paume au XVIIIe. Au XIXe, un hammam s’y installe. Aujourd’hui, au-dessus de ce même numéro 23 flotte – étendard inattendu en ce lieu – un drapeau tricolore. Il est brodé de lettres d’or : « Mémorial de la Marseillaise ». Ici, en effet, a été inauguré un musée en 2011. Un musée pour rappeler que c’est ici qu’en 1 792 l’hymne national français a pris son essor. On peut y voir aujourd’hui une évocation audiovisuelle de l’histoire de la « Maseillaise ».Là siégeait en 1 792 le Cercle des amis de la Constitution, créé en 1 790 à l’instar du Club des Jacobins de Paris.
Le chant de Rouget de Lisle s’invite à Marseille
En cette année 1792, il y a urgence à recruter des volontaires pour défendre la France contre les armées étrangères désireuses de combattre les révolutionnaires français. Un homme, le docteur François Mireur, 22 ans, né à Escragnoles dans les Alpes-Maritimes, est chargé d’enrôler ces volontaires au sein d’une armée du Sud-Est. Il en recrutera quatre-cent-quarantedeux – qu’on appellera l’« Armée des cinq cents » pour faire un chiffre rond. Le recrutement se fait au Cercle des amis de la Constitution. Et voilà que le 22 juin, ledit Cercle organise un banquet au numéro 11 de la même rue, chez le traiteur David. Le docteur Mireur est invité. C’est là qu’au cours de la soirée, il entonne un « Chant de guerre pour l’armée du Rhin » qu’il a entendu cinq jours plus tôt à Montpellier, chanté par un Strasbourgeois venu participer à une cérémonie en l’honneur du maire d’Etampes, assassiné lors d’une émeute. Mireur enflamme son auditoire. On l’applaudit. On boit, on le rechante, on reboit encore, on entonne à nouveau ce chant aux accents héroïques. Au bout de la nuit, il est devenu le chant des Jacobins de Marseille. Le lendemain, il est édité dans le Journal des départements méridionaux. D’où ce chant vient-il ? Il a été composé par un certain Rouget de Lisle, capitaine en poste à Strasbourg lors de la déclaration de guerre de la France à l’Autriche – cette guerre étrange que le roi Louis XVI a déclarée sans raison claire contre le pays d’où est originaire sa femme Marie-Antoinette à une époque où, dans la France révolutionnaire, il n’avait plus qu’un pouvoir amoindri.
L’armée des volontaires entonne cet hymne
Le 2 juillet, l’armée des volontaires marseillais, désireux de défendre la France recrutés par François Mireur, prend la route pour Paris. Tout au long de la marche, elle entonne cet hymne. Elle le fait découvrir aux populations, distribue les paroles. Tout le (Photos DR) monde le reprend en choeur au cours des vingt-sept jours de marche à travers la France. Lorsqu’ils arrivent à Paris, le 30 juillet, les fédérés marseillais l’entonnent une nouvelle fois à leur entrée aux Tuileries. Le succès est incroyable. La foule reprend le «Chant des Marseillais», bientôt appelé «Marseillaise». L’hymne sera déclaré chant national le 14 juillet 1795. Il sera ensuite interdit sous l’empire,ela Restauration, au début de la III République, puis réhabilité en février 1879, lorsque Jules Grévy sera devenu président de la République. Mais le jour de gloire de la rue Thubaneau est oublié depuis longtemps ! Renseignements : Mémorial de la Marseillaise, 23 rueThubaneau.Tél.: 04.91.55.36.00.