Francis Gag l’homme qui hissa le nissart sur les planches
François Gagliolo, est né à Nice le 15 octobre 1900, à une époque où la commune, rattachée à la France depuis une quarantaine d’années, commençait à se développer et à gagner ses galons de station touristique internationale. Il va devenir l’un des auteurs les plus prolixes du théâtre Nissart, «defensour et proupagatour de la nouostra lenga »-« défenseur et propagateur de notre langue» - comme le présentent les Niçois. Il a 9 ans, lorsque son père installe sa famille au 22, de la rue Pertinax, près de la gare. Le quartier grouille d’une vie intense. Cafés et salles de spectacle sont fréquentés par toutes les classes d’une société porteuse de l’identité niçoise un langage, un tempérament vif et exubérant qui aime à discuter devant une assiette de socca et de petits farcis. Un mélange de population qui, de la bourgeoisie à l’ouvrier, frappe l’imagination du jeune garçon et va déterminer son oeuvre.
Le théâtre aux armées avec la troupe de la Bévéra
Car, si c’est à l’école qu’il apprend la culture française, c’est dans la rue qu’il s’imprègne du Nissart. C’est aussi dans ce quartier à l’école libre de la rue Paganini, qu’il passe son certificat d’étude, « lou soulet diploma qu’augue jamai augut ! »-« seul diplôme que je n’ai jamais eu ! », se plaisait-il à dire. Pendant la « drôle de guerre», - nom donné à la période du
début de la Seconde Guerre mondiale qui se situe entre la déclaration de guerre par le Royaume-Uni et la France à l’Allemagne nazie - François Gagliolo est cantonné dans les Alpes. Se sentant inutile, il crée Le théâtre aux armées. C’est la première fois qu’une troupe, qu’il baptise Troupe de la Bévéra, se produit sur le front. C’est à cette période que pour se démarquer du soldat Gagliolo, il prend son pseudonyme de Françis Gag. C’est là aussi qu’il donne naissance à son personnage fétiche Tanta Vitourina- tante
Victorine - une commère virulente qui avec ses mitaines, cabas et mignou - fourrure de renard - autour du cou, est l’illustration du bon sens populaire, mais avant tout Niçois et dont la principale activité qu’elle revendique n’est autre que le pastrouil! Mais qu’est-ce que le pastrouil ? « Vé que mi demanda cen qu’es lou pastroulh! - voilà qu’on me demande ce qu’est le pastrouil. » Non, mais, le pastrouil, c’est un art de vivre. Pastrouiller, c’est bavasser, commenter, chacharouner… Cette passionaria du VieuxNice, qui avec finesse égratigne ses contemporains et sait, à l’occasion, se transformer en un redoutable tyran en jupons va le suivre tout au long de son existence.
Sur les ondes de Radio Nice et Radio Monte-Carlo
Démobilisé, il continue son oeuvre dédiée à la langue et la culture niçoises. Il fonde le théâtre dialectal afin de les mettre en valeur. Dès 1936, le Théâtre niçois de Francis Gag offre au public des pièces désopilantes, qui jouent sur la dérision. Et régulièrement elles sonnent comme des oeuvres de Molière, où le grotesque joue la caricature. Dans Lou sartre Matafiéu - Le tailleur Matafieu (1922) - une jeune servante, Babet, aime secrètement son patron, vieux garçon bourru et fantasque. Elle finira, après bien des péripéties, par l’épouser. Très connue aussi et typique de la vie niçoise Les deux vieux (1960), pièce qui met en scène Vitourina et son mari Titoun: un dimanche après-midi ennuyeux le vieux couple revient sur quatrevingts ans de vie commune faite de travail pour elle et de sorties, de parties de boules, de mangiuca (repas) au cabanon et d’histoires de pêche pour lui. Nombre de pièces signées Francis Gag, sont reconnues comme des chefs-d’oeuvre de la littérature d’Oc. En 1956, il crée aussi une troupe de danse folklorique Nizza la Bella pour représenter la ville lors de divers événements locaux. De 1944 à 1969, il sévit sur les ondes de Radio-Nice et Radio Monte Carlo dans une chronique intitulée Les minutes de Tante Victorine qui distillent des textes niçois traitant d’un sujet drôle ou d’actualité. Pour ce faire, Gag interviewe les gens de la rue. Sa langue trop bien pendue, notamment en politique lui vaut d’être souvent censuré. Il est aussi à l’origine de l’association, l’OEuvre des petites vieilles, devenue Solidarité Francis Gag en septembre 2014 et qui vient en aide aux personnes âgées démunies. Francis Gag est décédé à Nice en 1988. Il a vécu dans le rêve emmenant avec lui ceux qui se reconnaissent encore dans l’amour du comté de Nice. En 1989, le Théâtre Municipal du Vieux-Nice – 4 rue de la Croix - est inauguré sous le nom de Théâtre Francis-Gag. Sources: Steve Betti pour Nice Historique (2000) ; Racines du Pays Niçois.