Monaco-Matin

Philippe:

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Il était pour le changement. Mais contre «une certaine forme de révolution ». Alors, en mai 68, Philippe Granarolo a lancé avec d’autres étudiants de la section philo un mouvement alternatif: le «Mouvement des étudiants non-syndiqués ». À La Garde, où il est adjoint au maire délégué à la culture depuis 2001, Philippe Granarolo, 70 ans, livre un autre regard sur cette fronde historique des facs françaises. En 1968, il étudie à Carlone. Et le tout jeune campus de lettres niçois vit un printemps agité, se souvient son ancien hôte. « Début mai, alors que la fac est occupée par les gauchistes et que les cours ont cessé, je prends la décision, avec d’autres étudiants, de créer de toutes pièces un mouvement destiné à faire entendre une autre voix. Celle de tous ceux (la grande majorité, en réalité) qui ne se retrouvent pas dans le discours confus et pseudo-révolution­naire qui règne en assemblée générale.» Le plan B est lancé. Philippe Granarolo est à la manoeuvre, avec Alain Cordier, Jean-Antoine Giansily, Henri Prévost-Allard et François Poli, «un étudiant corse qui nous a ramené cette communauté ». Le mouvement des «non-syndiqués» fédère des étudiants de diverses sections. Et prend ses marques à la fac de lettres.

« Dormir dans des duvets dans la salle des profs »

«Nous installons notre quartier général dans une salle du second étage réservé à la section de philosophi­e ,raconte Philippe Granarolo. Quelques jours plus tard, nous décidons d’occuper à notre tour la fac, afin de ne pas laisser communiste­s et gauchistes marquer seuls le territoire. Nous sommes plusieurs à dormir sur des duvets dans la salle des profs. Et nous apprécions particuliè­rement les pains au chocolat qu’un boulanger sympathisa­nt livre gratuiteme­nt, chaque nuit, vers 3 heures du matin. » Un mouvement dans le mouvement, rapidement catalogué. Des révolution­naires de droite ? « C’était un peu ça, s’amuse Philippe Granarolo. On ne supportait pas que des amphis soient rebaptisés Lénine, Trotsky ou Mao. Leurs AG étaient tout sauf démocratiq­ues. Il y avait un grand orateur, on votait à main levée, et la démagogie l’emportait. » D’où cette troisième voie. « On était favorable à des transforma­tions, des évolutions, mais on ne voulait pas cette catégorisa­tion gaucho-communiste.» Les transforma­tions? Casser le mandarinat écrasant, mieux considérer l’étudiant… Le tube du moment: «“10 ans, ça suffit” [référence au général de Gaulle, Ndlr] : on ne supportait plus la figure du père. Il y avait un ras-le-bol. Le monde était en train de changer, et on avait l’impression de vivre dans une société bloquée!»

« Une grande victoire »

Nous voilà à la mi-mai. L’heure pour les occupants, de droite comme de gauche, d’acter leurs accords et désaccords dans un document commun. «Chacun y exprime sa vision des choses et trace ses propres perspectiv­es de transforma­tion de l’université. Une grande victoire», aux yeux de Philippe Granarolo. Des élections étudiantes se tiennent. Les non-syndiqués s’y classent deuxièmes, avec « un score à peine inférieur à celui obtenu par la liste présentée par les groupes gauchistes, et un score supérieur à celui des candidats présentés par l’union des étudiants communiste­s. » Et l’ex-étudiant de s’enorgueill­ir : « Grâce à notre mouvement, la faculté de lettres de Nice est la seule de France à pouvoir délivrer ses diplômes fin juillet, alors que partout ailleurs, les examens sont repoussés au mois de septembre ! » Philippe Granarolo décroche ainsi sa licence de philosophi­e fin juillet. Mais il n’a jamais vraiment décroché de l’engagement pour ses conviction­s. Il a fini par devenir élu local, comme (Photos DR et Patrick Blanchard) Henri Prévost-Allard, devenu adjoint au maire de Saint-Tropez. D’autres fondateurs des «non-syndiqués» «ont poursuivi une activité militante dans diverses organisati­ons de droite», à l’instar de Jean-Antoine Giansily, passé au très droitier Club de l’horloge. De son côté, Philippe Granarolo anime aussi « Them’Arts », des colloques associant artistes et penseurs. Le dernier en date s’est tenu en février. Son thème : « Révolution(s) ».

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Philippe Granarolo, aujourd’hui adjoint au maire de La Garde, a cofondé en Mai  le « mouvement des étudiants non-syndiqués » à la fac de lettres de Nice.

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