Monaco-Matin

De La Trinité à la Libé’: Macron à la moulinette

Ils sont jeunes, et moins jeunes, ils ont voté Macron, ou pas. Ces Azuréens posent un regard sur la première année au pouvoir de ce président de la République hors normes...

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

C’est l’histoire fulgurante d’un Président « pas normal ». Un Président qui fonce, tête – bien pleine – baissée dans les réformes. Aux méthodes sociales radicaleme­nt différente­s de son prédécesse­ur, François Hollande. C’est l’histoire d’un président qui a dynamité le clivage gauchedroi­te. L’histoire du nouveau monde contre l’ancien. C’est l’histoire d’un Président qui souffle sa première bougie de mandat... Alors, la révolution Macron estelle en marche? Quel regard sur la première année de macronie ? Qu’en pensent les Azuréens ? Sont- ils convaincus par l’exhomme de Bercy? À La Trinité, ce n’est pas gagné. Rouge jusqu’en 2001. Bleu depuis. La commune n’a pas voté Fillon, ni Hamon, ni Macron, lors de la présidenti­elle. La ville d’un peu plus de 10 000 habitants a plébiscité les extrêmes. Le FN est arrivé en tête du premier tour avec 40,76 % devant Mélenchon à 20,90 %. Macron, quatrième avec seulement un peu plus de 13 % des voix, n’avait déjà pas emballé les Trinitaire­s, c’est le moins que l’on puisse dire. Pas mieux au second tour, Marine Le Pen avait raflé la mise avec près de 60 % des suffrages. « Je m’en fiche de ses un an au pouvoir. Ce qui m’importe, c’est qu’il lui en reste encore quatre! Et que ça va pas être possible. Il ponctionne de tous les côtés. Il y en a que pour les riches avec lui. » Robert, 62 ans, devient tout rouge lorsqu’on lui parle du président de la République. Il n’a pas voté Macron. « J’ai bien voté » , dira-t-il simplement. « Après Hollande, ça fait quand même beaucoup. Beaucoup trop. » Agathe est d’accord. Macron? « De la poudre aux yeux. La France est dans la rue. Les migrants à nos portes. Et lui ne fait rien. En tout cas rien pour les petits comme nous », lance cette quinquagén­aire. « Il nous faudrait un bon Trump en France. Même Marine Le Pen, ce ne serait plus suffisant. »

« Je suis ni con, ni riche »

Devant la mairie, sur un petit banc blanc, deux copines papotent. Toutou noir au bout d’une laisse. « La seule chose qu’il a c’est une belle gueule Macron. À l’âge qu’on a, on pourrait être sa femme. » Elles gloussent. Le chien rougne. « Ce n’est pas le Président qu’il nous fallait. Vous allez voir qu’on va devoir encore se serrer encore plus la ceinture ». Les deux retraitées ont voté Fillon. Parce qu’elles ont toujours « voté à droite » : « Faut pas se De La Trinité (photo du haut) qui a voté Marine Le Pen à Nice, quartier Libération (ci- dessus), qui a voté Fillon, que pensent les habitants de ce premier anniversai­re en macronie ?

(Photos Sébastien Botella et Cyril Dodergny)

leurrer, Macron, c’est Hollande en pire, d’ailleurs c’est lui qui l’a placé ». Thomas et Sébastien ont la vingtaine. Ils ne sont pas allés voter. « Tous pareils! » , selon eux. Mais s’ils l’avaient fait, ils auraient choisi Mélenchon. Et certaineme­nt pas Macron. « Il donne l’impression de ne vouloir en faire qu’à sa tête. De n’écouter personne. Mon père est syndicalis­te et il me dit que Macron, c’est pire que la dictature » , affirme Thomas. Au loin arrive Titi – son surnom – A 72 ans, il en a vu passer des présidents. Le pire? « Hollande ». Mais

Macron ne trouve pas plus grâce à ses yeux. « Avec lui, on doit s’excuser d’être français. Il prend dans le porte-monnaie des faibles. Une sorte de Robin des Bois à l’envers. C’est un vrai requin. J’ai des copains qui étaient cheminots. Certains ont encore de la famille à la SNCF. C’est un désastre. Tout va coûter plus cher avec lui ». Sur le parking du centre commercial de La Trinité, évoquer Macron donne des suées à une sexagénair­e qui ne veut pas donner son prénom. « Un jour, le FN sera au pouvoir, et tout le monde comprendra qu’on a perdu du temps. J’es-

père juste qu’il n’est pas trop tard », souffle-t-elle. Sophie, voiture garée derrière, temporise: « Un an, c’est trop court pour juger. Laissons-lui le temps. C’est ce qu’il demande d’ailleurs. Je ne suis pas assez au courant pour décréter que ses réformes ne mèneront à rien. On verra. » Un bémol toutefois. « Je ne comprends pas, par contre, pourquoi il s’en prend aux retraités. Ils n’ont déjà pas de quoi vivre décemment pour certains et on les rackette un peu plus. » Jean-Pierre, lui, hausse les épaules. Le premier anniversai­re de Ma- cron, il s’en balance. « Sarkozy c’était le président des riches, Hollande, le président des cons, Macron c’est le président des patrons et des très riches. Et moi, je ne suis ni riche, ni con, ni patron »...

« Il n’est pas fort c’est les autres qui sont faibles »

À quelques kilomètres de là, à Nice, zoom sur le marché Libération. Quartier hybride entre histoire et modernité. Ici, les vieux Niçois côtoient la nouvelle génération. Libé: mi-bobo, mi-tradi. Lors de la présidenti­elle, Nice a placé Fillon et Le Pen en tête dans un mouchoir de poche – 26,09 % et 25,28 %. Donnant la troisième place à Macron, 20,52 %. Le quartier Libération a voté en phase avec la commune. Au second tour, Macron a pris 20 points à la patronne du FN. Pour autant, un an après, entre les courgettes et les poireaux, certains ont bien envie de le hacher menu, menu, « le Macron ». « Entre l’augmentati­on de l’électricit­é et la hausse de la CSG, je perds plus de 50 euros par mois » , se lamente, Ghislaine. Cette infirmière à la retraite assure : « Je n’ai jamais eu autant de mal à boucler mes fins de mois. » « Il passe en force pour tout et ça fait un an seulement qu’il est au pouvoir. Le dialogue, c’est pas son truc. Faudrait qu’il s’assoupliss­e le petit » , rigole Bernard, qui boit son petit noir à la terrasse de la Brasserie Gambetta. Son pote renchérit: « Il va réussir à mettre le feu partout. Il va exploser en vol. » Devant une pyramide d’oranges, Paul et Lætitia font la moue. Le couple a voté Macron. Les deux tours. Ils sont parents d’un petit garçon de bientôt 3 ans. « On a plein d’amis autour de nous qui ont déjà des enfants en primaire. Et ils nous disent que le niveau est super bas. Ça nous inquiète. Au lieu de rendre l’école obligatoir­e à trois ans, ne pouvait-il pas faire quelque chose pour la qualité de l’enseigneme­nt? Ou un plan de constructi­on d’écoles pour que les enfants soient moins nombreux par classe? » Quant à Pierre, qui habite le quartier depuis 30 ans, il reconnaît le maestro de tactique: « Macron veut se faire passer pour un dur. Mais il n’est pas fort, c’est juste les autres qui sont faibles (les autres partis, NDLR). Il n’a aucune opposition. Mais il a bien joué. Et il a réussi ça en un temps record. Chapeau Monsieur le Président. »

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