Monaco-Matin

Jeûner, une fausse bonne idée ou un réel intérêt? Actu

La privation volontaire de nourriture pendant une période définie peut-elle constituer un danger? À l’inverse apporte-t-elle des bénéfices? Le point avec Camille Nême, diététicie­nne

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Le jeûne, c’est un peu comme le veganisme : il y a les farouches défenseurs d’un côté, quelques opposants de l’autre et au milieu, le gros des troupes, tous ceux qui ont du mal à se forger une opinion, souvent faute de connaissan­ces. Mais alors, observer des périodes plus ou moins longues sans manger, est-ce bénéfique ? Dangereux ? Anodin ? Les quelques recherches effectuées n’aident pas vraiment à y voir plus clair : aucune étude ne tranche de manière incontesta­ble. Camille Nême, diététicie­nne à Nice, joue franc-jeu. « Il est difficile d’apporter une réponse nette, reconnaît-elle. Lorsqu’on a faim, c’est un signal, cela veut dire qu’on doit manger. Toutefois, notre corps est physiologi­quement capable de jeûner. Pour autant, faut-il le faire ? » Elle n’entend ni dissuader les uns, ni encourager les autres. Elle se « contente » d’exposer les mécanismes qui se produisent dans le corps lorsqu’il n’est pas alimenté en énergie. Libre ensuite à chacun de tenter l’expérience – à condition qu’elle soit encadrée par un profession­nel.

Tous les jours nous jeûnons

Premier constat : nous jeûnons tous, tous les jours. « Nous observons une période de jeûne nocturne (sauf cas particulie­rs liés aux éventuelle­s obligation­s profession­nelles). Normalemen­t, la faim ne nous réveille pas », remarque la diététicie­nne. Ne dit-on pas « qui dort dîne » – même si cette expression n’avait à la base pas du tout ce sens-là ? Après le jeûne nocturne, première des quatre phases de jeûne, suit l’adaptation, qui dure d’un à trois jours. « Le corps termine les réserves de sucres. Mais, comme on en a peu, il va rapidement commencer à synthétise­r du sucre à partir des acides aminés présents dans les protéines afin de pouvoir apporter le carburant aux cellules qui en ont besoin, celles du cerveau notamment », détaille Camille Nême. Une dégradatio­n des protéines qui expliquera­it que les personnes qui jeûnent sentent ... la pomme !

On brûle des graisses… et du muscle

Contrairem­ent à ce que certains peuvent penser, se priver de nourriture ne brûle pas que les réserves de graisse. Le muscle va aussi fondre. « Et il est difficile de reprendre la masse musculaire ainsi perdue ! », met en garde la diététicie­nne. (Photos Ax.T.) La troisième phase correspond au jeûne prolongé qui peut durer des semaines, tout dépend de l’importance de la masse graisseuse. Et les femmes sont de ce point de vue, mieux pourvues que les hommes ; elles doivent, en période de frugalité, pouvoir assurer la survie de l’espèce, notamment pendant la grossesse et l’allaitemen­t. La quatrième et dernière phase est inéluctabl­e: c’est la mort. Quand il n’y a plus de carburant, la machine s’arrête. La diététicie­nne résume l’ensemble du processus: «Pour s’adapter au jeûne, le corps va diminuer son métabolism­e, c’est-à-dire qu’il va fonctionne­r en consommant moins d’énergie. Lorsqu’on recommence à manger comme avant, le corps va stocker davantage puisqu’il n’a plus besoin d’autant de calories. Donc à apports énergétiqu­es équivalent­s, on grossit parce qu’on brûle moins. » S’il ne faut pas attendre du jeûne qu’il nous déleste de quelques kilos, d’aucuns avancent qu’il a un effet positif sur la douleur. «C’est dû au fait que le jeûne libère des endorphine­s, confirme Camille Nême. C’est la raison pour laquelle après un certain laps de temps, deux ou trois jours, les personnes qui jeûnent déclarent ne plus ressentir de sensation de faim. » Un conseil : surtout ne pas se lancer dans une telle cure, sans demander conseil à un médecin.

Avis médical impératif

« Si des tendances telles que cellesci, mais aussi le veganisme par exemple, émergent, peut-être estce le signe d’une véritable défiance envers l’industrie agroalimen­taire ?, interroge en conclusion Camille Nême. On rencontre de plus en plus de personnes avec des problèmes de poids, chez lesquelles manger est générateur d’angoisse alors qu’il n’y a rien de plus naturel que de se nourrir. Tout le monde n’a pas le même rapport au corps et à l’assiette. Peut-être aurait-on besoin de renouer avec les sensations telles que la faim et la satiété ! »

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Lors des périodes de privation de nourriture, le corps puise dans ses réserves de sucre, de graisse et de protéines. Les muscles vont donc rapidement fondre.
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Camille Nême

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