Une « fabrique de travailleurs pauvres » à la Croix-Rouge?
Suivant un mot d’ordre de grève national, nombre de salariés ont débrayé hier. Les syndicats dénoncent de mauvaises conditions de travail et un manque de revalorisation des salaires
Quand on évoque la CroixRouge, c’est habituellement pour les gestes qui sauvent, des actions caritatives, ou du bénévolat. L’envers du décor est tout autre. La Croix-Rouge, ce sont près de 18 000 salariés sur le territoire national pour 60 000 bénévoles. Et des rémunérations parfois au ras des pâquerettes. Hier, à l’appel d’une large intersyndicale (FO, CFTC, CFECGC, CGT, Sud et CFDT), certains d’entre eux se sont mis en grève pour réclamer une revalorisation de leurs salaires, de meilleures conditions de travail et une reconnaissance de leurs métiers. À la Croix-Rouge française, « 3 100 salariés sont payés au Smic sans une réelle reconnaissance de leur ancienneté », estime l’intersyndicale.
Manif sous la pluie
Au complexe Croix-Rouge de l’Escarène, dans l’arrière-pays niçois, Malgré une météo maussade, une vingtaine de salariés du Foyer d’accueil médicalisé de l’Escarène se sont hier mobilisés hier. (DR)
Catherine, 35 ans d’ancienneté, diplômée, ne touche que 1 550 euros. Dans ce Foyer d’accueil médicalisé (FAM), une cinquantaine de salariés s’occupe d’une soixantaine d’adultes lourdement handicapés. Ces patients
ont besoin d’une assistance pour la plupart des actes essentiels de la vie courante, ainsi que d’une médicalisation. Hier, sous un parapluie et avec une vingtaine de collègues, Catherine a manifesté devant son établissement. À 53 ans, cette syndicaliste, déléguée du personnel, ne se plaint pas de ses conditions de travail. Mais elle dénonce les salaires faméliques et le manque de personnel. « Quand des salariés sont absents, ils ne sont pas remplacés, faute de budget, nous dit-on.»
Une fabrique de « travailleurs pauvres »
Les syndicats assimilent eux la Croix-Rouge à une fabrique de « travailleurs pauvres ». Des conditions de salaires telles que le turn over est extrêmement important. « Chez nous, depuis 2013, sur soixante salariés environ, nous ne sommes plus qu’une quinzaine d’anciens », soupire Catherine. « Depuis 2014 la Croix-Rouge rencontre des difficultés, certains services ont changé jusqu’à huit fois de responsables en deux ans », déplore Danielle Albin, de l’Union départementale CGT Santé. La Croix-Rouge compte à peu près 1400 équivalents temps plein en Paca et en Corse. « Certains secteurs sont sous tension, reconnaît un cadre de la CroixRouge, qui n’a pas souhaité être cité. Cette problématique n’est pas liée à la Croix-Rouge, mais au secteur. C’est plus particulièrement vrai dans notre région, car il y a beaucoup d’Ehpad. Les niveaux de salaire ne sont pas très élevés, la direction en a conscience. Elle oeuvre volontiers dans le sens de leur revalorisation, mais l’environnement économique ne le permet pas forcément.» Hier à L’Escarène, et dans les autres centres (Mougins, Biot) la continuité des soins a été assurée malgré la grève. « C’est un devoir », précise Catherine. Preuve que la Croix-Rouge peut s’appuyer sur des personnels dévoués. Mais la colère couve.